Le Québec est-il seul à avoir instauré un régime Étatique de GPA?

Au fur et à mesure que les scandales surviennent, les États ferment leur porte à la GPA.  L'industrie s'adapte, se déplace, fait des pressions sur de nouveaux gouvernements, diversifie ses marchés et se spécialise.  Certains États l'interdisent, d'autres l'encadrent et d'autres en autorisent la commercialisation. Comment le Québec se positionne-t-il dans le marché mondial de la maternité de substitution ?

 

Note: Le Québec emboîte le pas à l'Ontario, laquelle a mis en place depuis 2020 des mesures incitatives à recourir à la GPA en subventionnant une FIV additionnelle aux clients bénéficiaires qui recourent à une mère porteuse si celle dernière a déjà fait une FIV pour elle-même

Un État ne peut pas prétendre qu'il ne fait qu'encadrer une pratique ou qu'il met en place une politique de réduction des méfaits quand des incitations financières sont offertes aux clients pour recourir à une mère porteuse.  

 

 

Dans les années d'après-guerre, les États canadien et québécois ont élaboré une gamme de programmes sociaux dans le but de garantir à leurs citoyens un filet de protection sociale, avec des dispositifs de prise en charge pour faire face aux besoins des individus en situation de fragilité socio-économique ou de santé, que ce soit de manière temporaire ou permanente.

 

 

Au Québec, l'Église catholique avait occupé une place centrale dans l'organisation de la solidiratié sociale par le biais d'activités caritatives jusqu'à la "révolution tranquille" (milieu du 20ème siècle).  Graduellement, l'État québécois a développé ses propres programmes, a identifié ses besoins, a établi ses priorités et s'est affranchi du religieux dans la prestation de ses  programmes d'éducation, de soutien socio-économique et de soins de santé. Les programmes ont continué à être évalués et élaborés au Québec par les ministères et les politiques en regard des priorités des gouvernements qui se sont succédés.

 

À titre d'exemple, le Québec a développé des politiques familiales pour soutenir son taux de natalité (Centres de la petite enfance - CPE, prestations d'allocations familiales, régime québécois d'assurance parentale - RQAP) et des mesures fiscales pour encourager la solidarité sociale (crédit d'impôt pour adoption, crédit d'impôt pour aidant naturel). 

 

Mais, en ce qui  concerne la grossesse pour autrui, l'État québécois va beaucoup plus loin que les autres États qui l'encadrent ou autorisent sa commercialisation.  Les généreux programmes de soutien parental de l'État québécois contribuent activement à subventionner la pratique. 

En 2009, la Commission de l’éthique de la science et de la technologie présentait  au ministre du Développement économique, de l’Innovation et de l’Exportation, un avis sur l' " Éthique et procréation assistée : des orientations pour le don de gamètes et d’embryons, la gestation pour autrui et le diagnostic préimplantatoire."

 

Aux pages  XXIX et XXX du document, les auteurs rappellent la position du législateur québécois et canadien concernant ces contrats avant la réforme du code civil québécois et les dispositions encadrant la GPA ratifiées en juin 2023.

 

La position du législateur québécois:

 


« Au Québec, les contrats de gestation pour autrui ne sont donc pas reconnus par le droit. Ils sont considérés comme illicites, parce que contraires à l’ordre public. Mais ce contrat, bien qu’illicite, et par conséquent non exécutoire pour le droit civil, n’est pas pour autant nécessairement illégal, c’est-à-dire sanctionné par une peine d’amende ou d’emprisonnement. »

 

La position du législateur canadien:

 


 "La pratique, « bien que présentée a contrario est donc encadrée » et, dans une certaine mesure, légitimée par la loi fédérale. Il existerait donc, a priori, une dichotomie entre le droit criminel et le droit civil, qui n’a pas été sans engendrer une certaine confusion entre ce qui est nul et ce qui est illégal, chez les cliniciens qui pratiquent dans ce domaine."

 

Les préoccupations de dignité humaine:

 


"Toutefois, cette pratique touche également d’autres valeurs, dont la santé et l’autonomie des femmes, et la dignité de la personne humaine dont participe le principe de non-commercialisation du corps humain, qui s’oppose à toute forme d’instrumentalisation de la personne."

 

Abrogé le 06 juin 2023, l’article 541du code civil québécois (CCQ) frappait de nullité absolue les contrats de GPA au motif qu’ils ne respectaient pas l’ordre public. Cette nullité absolue se justifiait pourtant sur le principe de protection de l’intérêt général primant sur l'intérêt particulier des parties prenantes.

 

Mais en juin 2023 le gouvernement a plutôt choisi de frapper les contrats de GPA qui ne respecteraient pas certaines conditions, d'une nullité relative (plutôt qu'absolue).  Le Québec   adopte ainsi dans une approche néo-libérale en reconnaissant la validité de contrats organisant la conception d'enfants dans l'objectif d'en disposer et légitimise la contractualisation des fonctions corporelles reproductives des femmes.

 

Seules les restrictions contractuelles ont été débattues en Commission des Institutions. Les principes fondamentaux d’ordre public et de droits humains ont été entièrement évacués du débat. 

 

Aucune explication n'a été fournie sur ce volte-face stupéfiant. 

 

Comment des conventions initialement incompatibles avec l'ordre public le sont-elles subitement devenues ?

 

Le Québec est allé beaucoup plus loin qu'un simple "encadrement de la GPA".  Le Québec a littéralement édifié un régime d'État de soutien de la GPA.  Nulle part ailleurs au monde retrouve-t-on des incitatifs économiques gouvernementaux  à la pratique de GPA. 

En voici les détails:

 

Prestations de maternité, pour grossesse et accouchement

L'article 541.3 du code civil québécois (CCQ) prévoit, que les parents prospectifs doivent verser à la mère porteuse, une indemnisation, le cas échéant, pour la perte de revenus de travail occasionnée par sa contribution au "projet parental" de grossesse pour autrui. 

 

Mais le Régime québécois d'assurance parentale (RQAP) rembourse le salaire d'une mère porteuse pendant 18 semaines à hauteur de 70% de son revenu hebdomadaire moyen afin de lui permettre de se remettre de sa grossesse ou de son accouchement.

Cette disposition est en fait une subvention indirecte aux clients de GPA car elle les exempte du remboursement de 70% du salaire de la mère porteuse pendant 18 semaines de sa grossesse (ils ne devront combler que le 30% résiduel pendant toute cette période).

 

Remboursement de salaire pour retrait préventif

 

Si la mère porteuse est éligible à un retrait préventif, elle est admissible à l’indemnité de remplacement du revenu (à hauteur de 90% de son salaire net) jusqu’à 4 semaines avant la semaine de la date prévue de son accouchement.  Le retrait préventif pour les femmes enceintes n'est pas couvert dans les autres provinces canadiennes, ce qui rend le Québec particulièrement attractif pour les clients si le travail ou l'environnement de la mère porteuse présente un danger pour sa santé ou celle du foetus.

 

Cette disposition est en fait une subvention indirecte aux clients de GPA car elle les exempte du remboursement de 90% du salaire de la mère porteuse à partir du début de la grossesse jusqu'à 4 semaines avant la date de l'accouchement (ils ne devront combler que le 10% résiduel).

 

 

À partir de cette date, elle peut commencer à recevoir des prestations du Régime québécois d’assurance parentale (RQAP)- voir plus haut. 

 

Services assurés

 

Pour la fécondation in vitro, les services suivants sont assurés pour un seul cycle de FIV à vie par le Ministère de la santé et des services sociaux. Cela peut cependant comprendre deux stimulations ovariennes si le médecin le juge nécessaire.

 

Critères d'admissibilité

 

Les critères d'admissibilité pour les clients sont les suivants (dans les situations de recours à des mères porteuses québécoises).

 

Pour les clients

 

  • - être assurées par le Régime public d'assurance maladie du Québec ou être en couple avec une personne en service actif dans les Forces armées canadiennes et qui réside au Québec;
  • - avoir un problème d’infertilité ou une incapacité à se reproduire (personne seule, couple femme-femme ou couple homme-homme).

 

Pour les mères porteuses québécoises

 

  • - être âgée de 21 ans et plus au début des traitements.
  • - avoir 41 ans moins un jour pour commencer les traitements,
  • avoir 42 ans moins un jour pour un transfert d’embryon.

 

 

 

Les services assurés sont

 

  • les services requis pour un maximum de deux stimulations ovariennes;
  • les services requis à des fins d’un prélèvement de sperme au moyen d’une intervention médicale, notamment l’aspiration percutanée de sperme épididymaire et l’extraction chirurgicale ou microchirurgicale de sperme testiculaire;
  • les services requis à des fins d’un prélèvement d’ovules ou de tissus ovariens chez une seule personne;
  • les autres services liés à la FIV, incluant les services de micro-injection de spermatozoïdes (ICSI) et les services d’assistance à l’éclosion embryonnaire;
  • les services requis à des fins de transfert d’un ou d’un maximum de deux embryons frais ou congelés;
  • un maximum d’une paillette de sperme provenant d’une banque de donneurs;
  • la congélation et l’entreposage des embryons pendant un maximum d’une année;
  • la biopsie embryonnaire et le test génétique préimplantatoire de tous les embryons issus de ce cycle, pour les personnes porteuses d’une maladie héréditaire monogénique ou d’un remaniement chromosomique hérité qui répond aux critères d’admissibilité spécifiques.

 

Ces dispositions sont  des subventions directes aux clients de GPA 

 

Crédits d'impôt pour GPA - Déclaration d'impôt fédérale

Les crédits d'impôt pour frais médicaux admissibles suivants peuvent être revendiqués par les clients canadiens ayant recours à des GPA à condition que ces frais aient été encourus au Canada.

 

  • Les montants versés aux cliniques de fertilité et aux banques de donneurs afin d’obtenir des dons de spermatozoïdes ou d’ovules pour permettre la conception d’un enfant par le particulier, son époux/conjoint de fait, ou une mère porteuse, constituent des frais médicaux admissibles.

Médicaments sous ordonnance relatifs à la fertilité (plus d'une centaine d'injections hormonales sont nécessaires pour "tromper" le système endocrinale de la mère porteuse et éviter que son corps ne rejette l'embryon transféré).  Ces femmes n'ont pas besoin de ces produits chimiques pour mener des grossesses car elles sont fertiles. Ces injections sont administrées au mépris des risques de cancer.

 

  • le coût de la congélation (y compris l’entreposage), de la décongélation et du lavage des spermatozoïdes, et le coût de la congélation (y compris l’entreposage) et de la décongélation des embryons et des ovules;

 

  • le coût des ultrasons et des analyses de sang;

 

  • les frais de l’anesthésie;

 

  • les frais de surveillance du cycle.

  

En plus des crédits et subventions à la GPA de l'État québécois et de l'État canadien, les clients de GPA peuvent aussi bénéficier de remboursements de leurs frais par le régime collectif de certains employeurs.

 

Ainsi, la compagnie d'assurance Sun Life rembourse les frais suivants aux québécois et canadiens ayant recours à des GPA si leur employeur souscrit à leur régime collectif d'assurance.  Les informations suivantes proviennent du site web de Sun Life Canada.

 

 La garantie Services de fertilité de la Sun Life couvre les frais admissibles liés à des traitements de fertilité et les frais médicaux liés à une grossesse pour autrui. La garantie rembourse les frais suivants au participant :

• les frais engagés pour des traitements de fertilité par le participant ou une personne à sa charge admissible; (supplément facultatif  - peut être ajouté à la couverture de frais médicaux)

• les frais médicaux engagés par le participant ou par son conjoint ou sa conjointe pour la mère porteuse.

 

Frais admissibles

Services de médecins et de laboratoire

• Honoraires forfaitaires et frais de monitorage de médecins

• Imagerie médicale (y compris : échographie/échographie de clarté nucale, SpindleView, embryoscope, test Matris, analyse non invasive de milieu de culture embryonnaire, sonohystérogramme)

• Tests de dépistage et analyses en laboratoire pour la personne enceinte (y compris : dépistage prénatal [DPN], test de réceptivité endométriale, dosage de la FSH et de l’AMH)

• Frais pour les services liés au don de matériel reproductif d’une clinique de fertilité ou d’une banque de donneurs du Canada

 

Frais liés à l’ovule, à l’embryon et au sperme

• Tests de dépistage

• Congélation et décongélation

• Frais de transfert et d’entreposage

• Prélèvement d’ovules

• Prélèvement de sperme et spermogramme

• Sélection, lavage, et préparation de spermatozoïdes

 

Tests génétiques

• Y compris : diagnostic génétique préimplantatoire (DPI), analyses des produits de conception, analyse de la structure chromatinienne du sperme (SCSA),

 

Insémination et fécondation

• Maturation in vitro

• Éclosion assistée

• Injection intracytoplasmique de spermatozoïdes (ICSI)

• Fécondation in vitro (FIV) (y compris : traitement standard, naturel, stimulé, antagoniste ou réciproque) 1

• Insémination intra-utérine (IIU)

• Insémination artificielle (IA)

Couverture des médicaments liés à la fertilité

 

• Les médicaments liés à la fertilité font partie de votre couverture Frais médicaux. Ils figurent peut-être déjà sur la liste des médicaments admissibles.

• Les frais pour les médicaments liés à la fertilité engagés par la mère porteuse sont couverts par la garantie Services de fertilité, et non par une garantie distincte.

 

1 La compagnie d'assurance affirme qu'un cycle de fécondation in vitro peut coûter de 7 750 $ à 12 250 $ au Canada et que le taux de succès est de 50 % (chez les femmes âgées de 35 ans ou moins).  Le site ne précise pas la source de cette information.  Le collège des médecins du Québec mentionne plutôt un taux de réussite (naissance vivante) de 25% si un embryon congelé a été utilisé et sans dons d'ovocytes (ce qui n'est pas le cas dans la majorité des GPA).  Il est raisonnable de penser que le taux de succès est moins de 25% si un ovocyte étranger est utilisé.

 

Dans sa thèse doctorale 1 le chercheur Kévin Lavoie recense et analyse des témoignages de mères d'intention, de mères porteuses et de pourvoyeuses d'ovocytes.

 

Dans la section décrivant les avantages et les désavantages d'avoir recours à des agences intermédiaires pour faire une GPA, une des mères porteuses révèle une information peu connue:

 

"À travers une agence, tu contournes les listes d’attentes. Tu es la priorité. Dans les frais pour l’agence, il y a un pourcentage qui va justement à la clinique de fertilité pour ne pas attendre sur les listes."

(Geneviève, femme porteuse)

 

Depuis le 06 mars 2024, le gouvernement québécois a élargit sa couverture d'assurance et rembourse un cycle de fécondation in vitro (FIV) pour les grossesses pour autrui.  Ainsi, le gouvernement québécois ne fait pas seulement qu'encadrer la GPA mais il la subventionne (jusqu'à tout récemment, le code civil québécois considérait les contrats de GPA comme étant contraires à l'ordre public).  

 

En contourant les listes d'attente, les cliniques de fertilité favorisent et privilégient les clients de GPA (une pratique interdite dans plusieurs pays européens) sur tous les patients.

 

Ces services comprennent le remboursement d'un cycle de FIV (à vie), deux stimulations ovariennes, cueillette et lavage de sperme ou une technique chirurgicale d’aspiration de spermatozoïdes, micro-injection de spermatozoïdes (ICIS) et l’assistance à l’éclosion, une paillette de sperme de donneur, un prélèvement chirurgical de spermatozoïdes, la biopsie embryonnaire et le test génétique préimplantatoire (selon certaines conditions d’admissibilité), la congélation et l’entreposage des embryons supplémentaires pendant un an, le transfert de chaque embryon (frais ou congelé) issu du cycle de FIV.