La GPA - Un nouveau colonialisme en Afrique


Le néocolonialisme des ventres à louer  ou comment l’Afrique pourrait remplacer l’Ukraine dans le marché international de la GPA

En septembre 2023, un article dans le quotidien La Presse s’interrogeait à savoir quelle sera la prochaine destination de l’industrie de la Grossesse pour Autrui (GPA) depuis que la guerre a éclaté en Ukraine et que l’Inde, le Népal et la Géorgie ferment leur porte à cette pratique pour les étrangers. Aujourd’hui des acteurs de l’industrie avertissent qu’il serait « irresponsable » de se rendre dans une Ukraine en guerre.

Selon la journaliste canadienne Alison Motluck, qui se spécialise dans la reproduction assistée, les mères porteuses canadiennes sont de moins en moins nombreuses à se porter volontaires. Des agences intermédiaires lui ont mentionné un ratio d’une seule mère porteuse disponible pour 100 demandes de parents prospectifs (incluant les demandes d’étrangers).  Cette "pénurie" de mères porteuses canadiennes fait en sorte que, même si le Québec a reconnu juridiquement les contrats de GPA en 2023 , les clients se tournent quand même vers les destinations internationales parce que les femmes québécoises et canadiennes ne se "précipitent pas" pour devenir mères porteuses par altruisme et risquer leur santé et leur propre fertilité.  Les lois du marché font en sorte que les clients souhaitent pouvoir avoir accès à un plus grand bassin de femmes disponibles à moindre coût et dans de meilleurs délais.

Les techniques « modernes » de reproduction assistée permettent maintenant à une femme africaine de porter et d’accoucher d’un bébé « blanc » parce que l'ovocyte de l'embryon conçu a été sélectionné dans un catologue d'ovocytes, permettant ainsi de choisir la couleur de la peau (entre autres caractéristiques).

 

 

 

 

 

 

Une agence intermédiaire californienne de GPA y a décelé une opportunité d’affaires.   Elle a ouvert un programme en partenariat avec l’Afrique dont l’Ouganda. Par la filière ougandaise, on assure au client que sa filiation s’établira avant la naissance de l’enfant et que la mère porteuse ne pourra pas changer d’avis. Or, certains clients occidentaux plus sensibles à l’histoire tragique de la colonisation, peuvent s’objecter à l’exploitation reproductive de femmes africaines. Soucieuse de dissiper ces scrupules, l’agence californienne opérant en Ouganda alloue des formations professionnelles (entrepreneuriat, cuisine, couture) aux mères porteuses ougandaises recrutées. Une partie de la rémunération est retenue jusqu’à la remise de l’enfant. Ainsi, l’accès des femmes à une éducation basique et à du capital de lancement d’entreprise est conditionnel à la mise en disposition de leurs capacités reproductrices. L’asymétrie économique vis-à-vis des pays africains rend cette destination attractive pour la clientèle des pays industrialisés. Difficile de ne pas y voir la manifestation du néolibéralisme et d’un néocolonialisme.

Une industrie indifférente à la dignité humaine

Au Ghana, certaines mères porteuses sont isolées dans des appartements sous le contrôle des agences durant la grossesse et séparées de leur famille. Les lois ghanéennes, plus souples que celles de l’Ukraine, permettent aux hommes seuls et aux personnes âgées étrangères de recourir à des GPA. Les mères porteuses africaines, contrairement aux canadiennes [1], sont officiellement rémunérées.

Le parlement européen, à l’opposé du Canada, a pris conscience que cette industrie se bâtit sur la précarité et l’exploitation humaine et qu’elle migre d’un pays pauvre à l’autre pour desservir la clientèle de pays industrialisés.  Pour être conséquent, il a adopté en commission une résolution qui inclut la GPA dans sa définition de la traite humaine au même titre que le mariage forcé et l’adoption illégale réaffirmant ainsi que l’abolition universelle de la GPA, est la seule option viable qui tient véritablement compte de la dignité humaine de tous les enfants et de toutes les femmes, sans égard à leur condition économique ou à leur ethnicité.

D’autre part, la Conférence de la Haye de droit international privé s’est engagée depuis 2010 à élaborer un projet de convention internationale qui traitera de filiation dans le contexte de recours à la GPA transfrontalière.  L’aboutissement de ces travaux, prévu à l’horizon 2024-2025 légitimera mondialement le recours à la GPA, au profit d’une industrie. Cette honteuse indifférence aux droits des enfants et des femmes et cette prise de position en faveur du marché n’est pas une fatalité car partout dans le monde, des citoyens se mobilisent pour l'abolition universelle de cette pratique.

[1] Des paiements ont cependant été constatés par des intervenants qui ont témoigné en commission parlementaire (min. 44) et les protagonistes de la GPA affichent volontiers publiquement (min.  42)  avoir reçu des cadeaux.