Le Diagnostic Pré-Implantatoire (DPI)
Un diagnostic pré-implantatoire (DPI) est une analyse génétique de cellules prélevées sur un embryon issu d'une fécondation in vitro. Elle s'opère environ trois jours après la FIV.
Cette analyse sert à exclure les embryons présentant ces anomalies avant l'implantation d'un ou de plusieurs embryons dans l’utérus d'une femme. Les spécialistes ne disposent que d'environ 24 heures pour effectuer le test génétique suite au prévèlement des cellules. Le DPI s’effectue au moment où l’embryon ne possède que de six à huit cellules. Le biologiste prélève une ou deux cellules qu'il soumet à des tests génétiques permettant de dépister la ou les anomalies génétiques recherchées.
Parce que le diagnostic préimplantatoire (DPI) implique la création d’embryons à des fins de sélection, certains évoquent le spectre de l’eugénisme.
L'intention initiale
L'objectif initial invoqué pour autoriser les diagnostics préimplantatoires (DPI) dans de nombreux États repose sur la détection et d'exclusion d'embryons présentant ;
"des anomalies chromosomiques numériques les plus courantes: nombre anormal, excessif ou insuffisant de chromosomes (Ex. trisomies 13, 18 et 21, syndrome de Klinefelter et syndrome de Turner ou structurelles - translocations, inversions)."
ou la détection des maladies héréditaires monogéniques et l'exclusion d'embryons présentant ces anomalies;
"les maladies autosomiques récessives*. La fibrose kystique (mucoviscidose) et l’amyotrophie spinale* infantile sont des exemples de maladies autosomiques récessives, pour lesquelles il n’existe à ce jour aucun traitement."
"les maladies autosomiques dominantes*.
Pour un couple dont l’un des membres est porteur d’une maladie autosomique dominante, les risques de transmettre la mutation génétique à l’enfant sont de 50 %, peu importe le sexe de l’enfant. Les maladies de cette catégorie les plus souvent recherchées dans un DPI sont la maladie de Steinert (dystrophie myotonique*) et la chorée de Huntington* [1] .
L'eugénisme comme vecteur de profits
L'industrie de la fertilité ne reconnaît que les limites imposées par les États. À l'instar de toute autre entreprise commerciale, son objectif est de générer des profits.
Elle n'a, bien évidemment, que faire de l'éthique et des principes de dignité humaine, ce qui ne l'empêche pas pour autant de s'en réclamer. À titre d'exemple des "préoccupations éthiques" de cette industrie, nous prenons le temps de reproduire ici les réclamations "morales" qu'elle s'attribue:
En pleine guerre entre l'Ukraine et la Russie, une agence de GPA mets en vitrine ses principes "éthiques" et son "respect" pour les mères porteuses, arguant recruter des mères célibataires (démunies et vulnérables) qui tentent de survivre à la guerre en louant leur utérus et leurs fonctions reproductives.
L'agence ira jusqu'à suggérer que ces femmes, contraintes par les horreurs de la guerre, sont aussi motivées par un souci d'aider les parents bénéficiaires, des clients qui se sentiront ainsi "légitimés" d'exploiter leur misère.
L' évolution du DIP (à mesure que l'industrie prospère)
Quand un diagnostic pré-implantatoire est demandé, des embryons sont rejetés ou sélectionnés conformément aux désirs des parents bénéficiaires et du cadre réglementaire des États. Aux États-Unis par exemple, la sélection du sexe est autorisée (elle est interdite au Canada), ce qui donne lieu à des poursuites judiciaires de la part de clients s'estimant lésés pour ne pas avoir obtenu un enfant du sexe souhaité [2] [3] .
Récemment, le journal britannique The Guardian [4] .rapportait qu'une jeune "start-up" américaine, Heliospect Genomics, propose d'aider les couples "fortunés" à sélectionner leurs embryons pour favoriser les embryons sur un critière de Quotient Intellectuel (QI) à l'aide d'une technologie controversée qui soulève des questions sur l'éthique de l'amélioration génétique, étroitement associée au courant transhumaniste.

Orchid, une autre "start-up" américaine basée en Californie soutient pour sa part, être en mesure d'analyser "la prédisposition de chaque embryon à l'ensemble de plus de 1 200 maladies et affections pour lesquelles nous disposons actuellement des nformations génétiques, y compris un large éventail de cancers, le diabète, les maladies coronariennes et même la maladie d'Alzheimer"[5] .
La société 23andMe prétends par ailleurs pouvoir sélectionner un embryon en fonction l’indice de masse corporelle[6] .
Le site Gènéthique rendait compte le 21 octobre 2024 d'un recours collectif mettant en cause le diagnostic préimplantatoire des aneuploïdies (DPI-A)[7] . Le recours collectif vise 7 sociétés états-uniennes pratiquant le DPI-A et allègue « une fraude à la consommation, une violation de garantie et des réclamations connexes découlant de la publicité et de la vente ».
Nous pensons qu'il est important de noter ici que ce sont des lois référant à la consommation (et non à la santé publique) qui sont invoquées en justice, ce qui renseigne sur la nature même de l'industrie de la procréation humaine. Pour qu'il y ait "consommation" il faut qu'il y ait transaction d'un bien ou d'un service. Le "service" est le diagnostic pré-implantatoire. Pour évaluer son efficacité on doit en reconnaître le résultat sur le "bien" de consommation (comprendre ici l'enfant ou l'embryon issu de la transaction).
Au Texas, la Cour d’appel a décidé par un arrêt juridique que les embryons congelés d'un couple ne sont pas « des enfants à naitre », mais « des biens soumis à des exigences contractuelles entre les parties ». Il s'agit ici d'une décision stupéfiante provenant d'un État où l'interruption de grossesse est interdite pour des raisons morales. Au chapitre de la marchandisation du corps des femmes et des enfants, la gauche comme la droite adoptent une approche néo-libérale de consommation.

L'euphémisme du "caractère novateur" du DPI
Comme on enregistre peu de naissances à partir d’embryons biopsiés et cryoconservés (ayant subi un DPI avant d’être cryoconservés), le pronostic de santé demeure encore largement inconnu.
La Commission de l'éthique de la science et de la technologie avertissait en 2009 que :
"Le caractère novateur du DPI doit être clairement exposé aux personnes qui souhaitent y recourir, entre autres en ce qui concerne le sort réservé aux embryons surnuméraires. Il arrive en effet que la technique de FIV crée plusieurs embryons exempts de la maladie génétique recherchée, des embryons surnuméraires peuvent donc ne pas être utilisés aux fins immédiates de la procréation. Face à cette situation, des choix doivent être faits par les personnes à qui appartiennent les embryons, soit les cryoconserver pour une utilisation future, en faire don à la recherche ou les détruire."
NOTE: Depuis 2010 le Canada autorise les dons d'embryons à des cliniques spécialisées par le biais de programmes spécialisés. Le ministère de la santé canadien a soumis en 2024 des propositions sur les moyens de disposer de ces embryons à une liste d'intervenants de l'industrie. Voir "Les laissés pour compte" sur notre site.
La Commission ajoute :
"Comme les effets du DPI sur un embryon qui sera ensuite soumis à la cryoconservation ne sont pas encore connus, les personnes responsables de la décision doivent être informées du caractère novateur de ces techniques et des risques qu’elles comportent:"
Elle précise également:
L’état de la recherche ne permet pas encore, non plus, de déterminer si les prélèvements faits sur l’embryon dans le cadre d’un DPI causent des anomalies au foetus ou à l’enfant plus tard. C’est pourquoi l’équipe médicale a l’habitude de recommander aux parents d’informer de cette situation le pédiatre qui fera le suivi de l’enfant.
Les services de cryo-conservation d'embryons congelés coûte environ 65$ par mois en 2024. Ces coûts augmentent régulièrement.
Les embryons offerts en "dons" aux cliniques de fertilité par le biais de programmes de dons d'embryons sont présentés comme des options économiques aux parents bénéficiaires par l'industrie de la GPA .
[2] ADVOCATE, PADGETT, D. (2022) “Judge Throws Out Portions of Gay Couple’s Fertility Clinic Lawsuit »
[3] (2022) GÈNÉTHIQUE “C’est un garçon : deux femmes poursuivent la clinique de PMA"
[4] THE GUARDIAN 18 octobre 2024 "US startup charging couples to ‘screen embryos for IQ’."
[5] THE TELEGRAPH 6 juillet 2024 "How to make a superbaby — start by screening your embryos"
[6] (2023) GÈNÉTHIQUE "Trier les embryons pour réussir à l’université ?"
[7] Le "DPI-A" vise à analyser le génome des embryons obtenus par fécondation in vitro, pour repérer ceux qui comportent un nombre anormal de chromosomes.