Agences de gamètes ou Banques de gamètes ?

 

La chasse aux oeufs (frais ou congelés ?)

Au Canada et ailleurs dans le monde, les personnes qui souhaitent avoir recours à une fécondation in vitro, pour eux-mêmes ou pour le transfert de l'embryon dans l'utérus d'une mère porteuse, peuvent se procurer des ovocytes dans des banques d'ovocytes ou par le biais d'agences intermédiaires.

 

La différence fondamentale entre les deux est que la banque d'ovocytes permet de sélectionner des ovocytes congelés dans un catalogue en fonction de critères préférés des clients et du cadre juridique de l'État. Ces ovocytes sont prêts à être fécondés in vitro.

 

Le taux de succès de la fécondation est un peu diminué à cause des risques associés au processus de décongélation mais les cliniques assurent que les techniques de vitrification réduisent ces risques.

 

De leur côté, les agences mettront plutôt en contact des pourvoyeuses d'ovocytes et des clients acheteurs et elles "orchestreront" le cycle de la femme pourvoyeuse du matériel génétique et celui de la femme qui recevra le transfert d'embryon.

Les cliniques arrivent ainsi à pouvoir contrôler, par des interventions hormonales et des pratiques invasives, le système reproducteur des deux femmes afin de les  "synchroniser".

 

Les médecins obtiennent ce résultat en induisant des ménopauses artificielles et des hyper stimulations ovariennes, en introduisant des sondes pour recueillir les ovocytes directement dans les ovaires, en épaississant l'endomètre pour "simuler" une grossesse au système reproducteur de la receveuse et en imposant par contrat, un contrôle sur leurs relations sexuelles.

De plus en plus la question des  "laissés pour compte" est soulevée par l'industrie de la fertilité, et cette question est portée à l'attention des gouvernements.

 

D'une part le recrutement des pourvoyeuses d'ovocytes, particulièrement au Canada, est ardu et d'autre part, l'industrie contemple avec envie, les embryons et les gamètes (ovocytes et spermatozoïdes) inutilisés et cryopréservés qui reposent dans leur contenants d'azote liquide.

 

Certains "propriétaires" sont décédés, d'autres n'arrivent pas à opter sur les moyens d'en disposer; destruction, don ou contribution à la science?  Les coûts de maintien d'embryons ou d'ovocytes dans des containeurs de cryopréservation peuvent se décliner de quelques centaines à un millier de dollars par année.

 

Le ministère de la santé canadien a récemment soumis à une liste d'intervenants de l'industrie, des propositions sur les moyens de disposer de ces embryons.

 

Au Canada, la Loi sur la procréation assistée (LPA) ne permet pas à d'autres personnes que le conjoint(e) d'une personne décédée, de disposer d'embryons ou de gamètes cryopréservés à condition que cette dernière ait autorisé et prévu par écrit une utilisation post-mortem (Consentement au prélèvement  de matériel reproductif humain après le décès).

 

Un juge de la cour Supérieure de l'Ontario a récemment (21 mai 2024) rendu une décision en ce sens dans le cadre d'une requête d'une tierce partie (les parents du jeune homme décédé).  À l'âge de 26 ans, un jeune homme atteint d'un cancer avait choisi de cryo-conserver ses gamètes avant de subir des traitements oncologiques invasifs, afin d'avoir la possibilité de fonder une famille ultérieurement avec son matériel génétique. 

 

Suite à son décès, les parents auraient voulu avoir accès à ce matériel génétique pour créer un embryon et pouvoir l'implanter dans l'utérus d'une mère porteuse.  Le juge de la cour Supérieure de l'Ontario n'a pas accueilli favorablement cette requête et a trouvé que la requête des demandeurs contrevenait à la section 10 de la LPA.

 

 

 

 

Cependant, à l'automne 2024 le ministère de la Santé a décidé d'évaluer la possibilité d'élargir le consentement d'une personne décédée à disposer de ses gamètes, à d'autres personnes que le conjoint ou la conjointe.

 

L'industrie de la fertilité et les gouvernements se sont montrés jusqu'à présent bien davantage préoccupés à satisfaire les désirs (de plus en plus exigeants) des clients de GPA que des effets à court et long terme de ces pratiques sur les enfants à naître. Par exemple, il peut paraître éthiquement questionnable de savoir que des personnes utilisent déjà du matériel génétique d'un époux ou d'une épouse décédée pour organiser la conception d'enfants qui seront "orphelins" dès leur naissance.

 

Comme le mentionne la journaliste Alison Motluck dans son Substrack : "Canada rethinks posthumous use of embryos, eggs, and sperm" (HeyReprotech) : 

 

"Cela signifie que nous allons délibérément créer davantage de personnes dont nous savons qu'elles ne pourront jamais rencontrer leur parent génétique, lui parler, le serrer dans leurs bras, lui poser des questions ou, d'une manière générale, passer du temps avec lui et discuter de tout et de rien."

(Notre traduction)

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