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"Grossesse pour autrui,

la loi québécoise prévient-elle le trafic humain ?"

 

 

 

 

 

Des préoccupations  et des mises en garde concernant la grossesse pour autrui et le trafic humain ont été publiées en août 2025 dans un rapport émis par la Rapporteure spéciale de l'ONU sur la violence faites aux femmes et aux filles. Il s’agit de préoccupations sérieuses qui se sont réalisées en Californie, un État où la marchandisation des fonctions reproductives des femmes est perçue et présentée comme un progrès social. De façon regrettable, ce rapport  n'a reçu aucune couverture médiatique au Québec en dépit de sa mise en garde contre des dérives  pour lesquelles le législateur québécois n’a (malheureusement) pas pris de mesures préventives

 

La Rapporteure Spéciale de l’ONU sur les violences faites aux femmes et aux filles nous met en garde à la page 17 de son rapport:

 

« Contrairement au processus d’adoption, dans lequel l’évaluation des capacités parentales des futurs parents est reconnue comme une mesure indispensable de protection de l’enfance, la gestation pour autrui ne requiert pratiquement aucune vérification des antécédents des parents demandeurs : ceux-ci doivent avant tout démontrer leur capacité à réunir de grosses sommes d’argent pour payer la procédure. Cette situation présente des risques particuliers pour les enfants nés de GPA, notamment le risque d’exploitation sexuelle des filles (selon certaines informations, des délinquants sexuels auraient commandé des enfants à des mères porteuses), le risque d’être victimes de traite, et le risque d’abandon, surtout lorsque l’enfant naît avec un handicap. »

 


Alexa Fasold

Alexa Fasold, une mère porteuse californienne, a accepté en 2025 de porter un enfant pour un couple chinois installé en Californie.  Elle s'est dite motivée par le désir d'aider ce couple infertile à réaliser son rêve de parentalité grâce à la grossesse pour autrui (GPA). 

 

Le couple, Silvia Zhang, 38 ans et Guojun Xuan, 65 ans se sont présentés à Alexa comme étant les parents d’une adolescente. Le couple souhaitait élargir la famille.  Zhang, la mère, avait subi 10 fécondations in vitro mais aucune des tentatives n’avait réussi.

Fasold, qui conduit des autobus à Los Angeles, a été touchée par leur histoire et s’est proposée pour réaliser leur rêve (en Californie, la GPA commerciale est autorisée).  Elle a négocié un contrat qui lui a donné satisfaction.  Le contrat a été conclu avec l’agence Mark Surrogacy Investment LLC et un transfert d’embryon a réussi en janvier 2025. Un petit garçon est attendu à l'automne 2025 [1].

 

Mais quand l’agence a cessé de répondre aux courriels de Fasold en mai 2025, celle-ci s’est inquiétée et a engagé un avocat.  Le conseiller juridique l’a informée que l’agence était sous investigation par le FBI.  Il s'est avéré que le couple Xuan/Zhang, était à la fois propriétaire de l’agence ET parents prospectifs bénéficiaires du contrat signé avec Fasold. Le couple possède une maison cossue dans le quartier chinois d’Arcadia (Los Angeles).  Cette maison est aussi l'adresse civique de l'agence Mark Surrogacy Investment LLC qui avait recruté Fasold et d'autres mères porteuses.  Selon les voisins, cette maison est "conçue" comme un hôtel, avec un bureau de réception à l'entrée et du personnel engagé pour répondre aux visiteurs. 

 

Les agents du FBI y ont découvert 21 enfants, dont 17 étaient nés de mères porteuses et surveillés par des nourrices.  La perquisition faisait suite à un signalement d’un hôpital voisin.  Un bébé de deux mois y avait été conduit et traité pour des blessures à la tête. 

 

Des caméras ont révélé que la « nourrice » responsable de la garde de ce bébé l' avait "secoué" 2 jours avant son admission à l'hôpital. Isabel Vincent du New York Post [2] rapporte que la nourrice est recherchée et que d'autres cas de maltraitance ont été révélés suite aux visionnements des enregistrements des caméras.

 

Kayla Elliot

Kayla Elliot a été contactée par l'agence Mark Surrogacy Investment LLC suite à des échanges et des demandes d'information sur des pages Facebook traitant de la maternité de substitution. Mère de quatre enfants, cette femme texane se dit motivée par le plaisir d'être enceinte et la volonté de contribuer au bonheur d'un couple infertile.

 

Photo credit The Center for Bioethics and Culture Network

 

Tout de suite après l'avoir contactée, l'agence a informé Kayla qu' un couple infertile d'origine chinoise était interéssé par son profil.  Kayla ignorait que ce sont les mères porteuses qui choisissent les couples bénéficiaires dans les agences intermédiaires.  Kayla accepta le profil des parents bénéficiaires, qui s'est avéré plus tard être identique à celui raconté par Alexa Fasold.

 

À sa dix-septième semaine de grossesse, Kayla consulta la page d'un groupe Facebook dont les membres évaluent la qualité des agences.  Elle s'aperçoit que l'agence qu'elle utilise a mauvaise réputation et n'est pas recommandée.

 

En poursuivant ses recherches, elle découvre qu'une autre femme est enceinte pour le bénéfice des mêmes parents que ceux pour lesquels elle fait une GPA.  Puis, elle découvre l'existence d'une troisième femme enceinte pour les mêmes parents, cette dernière est  un peu plus avancée dans sa grossesse. 

 

À ce stade, Kayla décide de contacter son avocate qui l'informe que la loi n'oblige pas les parents bénéficiaires à divulguer qu'ils font plusieurs contrats de GPA simultanément. Certains le font pour multiplier les probabilités de succès du transfert d'embryons, quitte à exiger aux autres mères porteuses d'interrompre leur grossesse, le cas échéant. 

 

 

Malgré le fait que la date d'accouchement de Kayla était prévue depuis plusieurs semaines (son obstétricien recommandait de "provoquer" l'accouchement ) la mère bénéficiaire n'avait pas jugé opportun de réserver un billet d'avion pour assister à la naissance.  Elle textait à Kayla pendant que cette dernière était en travail, afin qu'elle l'informe sur les aéroports à proximité.  Quand elle est enfin arrivée, Elliot a trouvé étrange que cette femme ne montre aucun signe de joie et ne soit même pas équipée d'un siège auto pour l'enfant.  La mère bénéficiaire a demandé à Elliot d'acheter un siège d'auto car l'hôpital refusait de la laisser quitter l'hôpital avec l'enfant autrement.  La famille d'Elliot a dû conduire la femme à l'aéroport avec le bébé.

 

Quelques mois plus tard, Kayla a été contactée par la mère bénéficiaire.  Celle-ci a confirmé que le FBI avait été alerté de la situation, et que le bébé porté par Kayla a été confié au réseau Foster Care (sous tutelle de l'État). Elle a nié faire du trafic humain.

 

Kayla a proposé aux agences administratives de prendre le bébé en famille d'accueil, mais comme elle habite un autre État que la Californie, elle doit composer avec des obstacles administratifs. Le témoignage complet d'Elliot peut-être écouté dans cette entrevue [3] avec Kellie Fell, directrice exécutive du " Center for Bioethics and Culture Network "

 

Elliot et Fasold ont toutes les deux indiqué leur désir de s'engager à nouveau dans un projet de GPA.

 

Selon KTLA News, six femmes ont déclaré avoir eu des enfants pour le couple. Une mère porteuse de la région de Los Angeles a déclaré avoir accouché en mars, tandis qu'une autre a eu des enfants pour eux en 2022 et 2024. L'une d'elles a accouché en Floride en juin, mais malheureusement, le bébé était mort-né.

 

Ces femmes ont pour la plupart été recrutées  par l'agence sur des pages Facebook.  L'agence a mis fin à ses opérations en juin dernier ; néanmoins, Kayla a indiqué à Kellie Fell lors de son entretien que les activités de l'agence se poursuivaient sous une nouvelle identité.

 


[1]A pregnant surrogate for a defunct California company doesn't know what will happen to the baby she's carrying NBC News - 25 juillet 2025
[2] Surrogacy scandal deepens as 6 women now claim they carried babies for Cali couple caught with 21 tots New York Post, 18 juillet 2025, Isabel Vincent
[3] "Shocking Surrogacy Scandal: Uncovering a Baby Trafficking Ring" 3 juillet 2025, Center for Bioethics and Culture Network - Youtube Channel

Qu'advientrait-il dans une situation similaire au Québec ?

 

Fasold ne sait pas comment disposer de l’enfant qu’elle portait toujours en septemptre 2025.  Elliot considère la possibilité de prendre l'enfant en famille d'accueil. En Californie, elles n’ont aucun recours pour faire reconnaître leur filiation envers ces enfants, (ce que Fasold ne souhaite pas). Dans la même situation au Québec, le couple Xuan/Zhang conserverait les filiations parentales de ces 21 bébés, parce que la loi québécoise a prévu que même s’ils sont dans « l’impossibilité d’agir » (par exemple s’ils purgent une peine de prison [4]), l’État civil continuera de les reconnaître comme parents légaux. 

 

Les mères porteuses ne pourraient pas faire reconnaître leur filiation si le délai de 30 jours suivant la naissance est écoulé.  En Californie, certains des enfants avaient 2 ou 3 ans au moment où l'agence a été mise sous enquête.  

 

 

Ce que n'a pas prévu la loi québécoise pour contrer le trafic humain dans son encadrement de la GPA

 

 

 

La loi québécoise, (sanctionnée à l’unanimité) n’a posé aucune restriction sur le nombre d’enfants que peuvent se procurer un couple ou une personne seule ayant recours à la GPA (simultanément ou consécutivement). Les seules limites sont leurs capacités financières.

 

 

 

 

La loi n’a prévu aucune évaluation parentale, ni vérification d’antécédents judiciaires, sauf pour les parents prospectifs québécois qui recourent à des GPA hors Québec [5].

 

 

 

 

Au Québec, comme en Californie, aucune loi ni règlement n'oblige les parents bénéficiaires à déclarer aux mères porteuses le nombre de GPA dans lesquels ils se sont engagés, simultanément ou consécutivement.  Si la femme du couple bénéficiaire devient enceinte pendant le contrat, ils n'ont pas l'obligation de le déclarer non plus.

 

 

[4]CCQ, r. 4.2 - Règlement relatif aux projets parentaux impliquant une grossesse pour autrui dans le cadre desquels les parties à la convention sont domiciliées au Québec Article 12, paragraphe 3
[5] Leur demande ne sera pas admise s’ils ont été jugés coupables d’infraction criminelle à l’endroit de mineurs. Règlement relatif aux projets parentaux impliquant une grossesse pour autrui dans le cadre desquels la femme qui a accepté de donner naissance à l’enfant est domiciliée hors du Québec.  Article 1

 

Photo credit : Emma Bauso from Pexels

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