Une participante à la thèse doctorale de K. Lavoie 1 s'étant astreinte à ces doses massives d'hormones a reçu plus tard un diagnostic de cancer de l'utérus. Elle a dû faire un deuil de sa fertillité après une hystérectomie. Il est important de rappeler ici que ces doses sont injectées aux femmes pour atteindre des cibles de taux de réussite dans un contexte de concurrence des marchés. Étant donné l'échantillonnage très faible de la cohorte étudiée (9 pourvoyeuses d'ovocytes), il est très préoccupant avoir noté un cancer de l'utérus dans cette étude.

Manque de suivi médical
Ce témoignage d'une pourvoyeuse d'ovocytes est extrait de la thèse de doctorat « Médiation procréative et maternités assistées - Vers une approche relationnelle et pragmatique de la gestation pour autrui et du don d’ovules au Canada » 1. Il va dans le même sens que les témoignages des vidéos clips du site du projet.
"Le processus est vraiment intense. Tu es vraiment soumise à la bonne volonté de la receveuse. Il y a plein d’éléments qui te rendent vraiment vulnérable, dans le fond, sur lesquels tu n’as pas de contrôle. La clinique qui fait les traitements ne te donne pas de soutien. Je ne me sentirais pas en sécurité de le refaire, émotionnellement et physiquement non plus, parce qu’il n’y a pas de suivi. Je trouve que c’est vraiment mal encadré. Encore une fois, on laisse de côté une problématique qui touche profondément les femmes et leur système reproducteur. On se déresponsabilise en disant : « Ça n’existe pas », alors que c’est au CŒUR de la procréation assistée."
- Maxine, donneuse d’ovules
Dans le feuillet-conseil de l'Hôpital Ste-Justine (Montréal) sur la prévention du Syndrome d’hyperstimulation ovarienne (SHO) il est mentionné que le médecin effectuera un "suivi étroit de votre réponse au traitement".
Le chercheur Kévin Lavoie ajoute ceci à propos de l'absence de suivi des participantes :
"Malgré les nombreux cas répertoriés dans ce groupe restreint de participantes, une seule donneuse a bénéficié d’un suivi post-ponction avec une professionnelle de la santé, sous la forme d’un rendez-vous téléphonique qu’elle a toutefois sollicité elle-même. Étant inquiète par rapport à des effets secondaires persistants, elle a pu discuter avec une infirmière pour avoir l’heure juste. Les neuf autres donneuses n’ont jamais eu d’autres contacts par la suite avec la clinique. Celles qui ont la chance d’avoir un médecin de famille ont pris rendez-vous avec lui ou elle pour un bilan de santé, profitant de l’occasion pour lui partager leurs préoccupations des effets à long terme du don d’ovules."
Note 1« Médiation procréative et maternités assistées Vers une approche relationnelle et pragmatique de la gestation pour autrui et du don d’ovules au Canada » (LAVOIE, K. (2019), Université de Montréal

Sous-évaluation de la fréquence du syndrome d'hyperstimulation ovarienne
Les pourvoyeuse d'ovocytes veulent dire aux parents prospectifs que le SHO survient plus fréquemment que les cliniques le prétendent. C'est une condition médicale très sérieuse qui ne devrait pas être prise à la légère.
Le site "We are egg donors" remet en question le pourcentage avancé par les cliniques de fertilité à savoir que seulement "1%" des pourvoyeuses d'ovocytes développeraient le syndrome d'hyperstimulation ovarienne.
Nous reproduisons ici en français, un extrait à propos de ce taux d'incidence (notre traduction - version originale ici) :
" Mais sur le groupe Facebook privé de la WAED (We are Egg Donnors), les pourvoyeuses d'ovocytes lisent régulièrement des messages d'autres personnes ayant subi une hyperstimulation ovarienne, qu'il s'agisse de cas bénins ou de cas très graves nécessitant une hospitalisation.
Les symptômes graves d'hyperstimulation ovarienne vont des ballonnements aux nausées, en passant par les vomissements, la distension abdominale et même la rétention d'eau, qui exerce une pression sur les principaux organes et peut entraîner un accident vasculaire cérébral ou des difficultés respiratoires. Lorsque l'on considère le coût/bénéfice du don d'ovules, les pourvoyeuses comme les receveuses peuvent considérer qu'il s'agit d'un pari risqué pour une procédure dont le taux de réussite n'est que de 30 à 40 %.
Bien que la plupart de ces femmes se rétablissent, il n'y a aucun moyen de savoir comment une hyperstimulation ovarienne affectera les donneuses à long terme.
De nombreuses agences et cliniques insistent sur le fait que le don d'ovules est sûr - que les risques sont inférieurs à 1 % - mais il n'y a vraiment aucune preuve pour étayer cette affirmation parce qu'il n'y a pratiquement pas eu de recherche sur les résultats de santé à court et à long terme pourvoyeuses d'ovules, explique l'anthropologue médicale Diane Tober, de l'Université de Californie à San Francisco, qui mène des recherches sur les donneuses d'ovules depuis 2013. À ce jour, elle a interrogé plus de 90 donneuses et ex-donneuses d'ovules et recueilli 180 questionnaires en ligne. Ses premières conclusions indiquent que bien plus de 1 % des donneuses d'ovules connaissent des complications, parfois très graves.
Des décès ont été signalés dans les cas les plus graves 1 2
Les cliniques évitent souvent de mentionner les sources des données qu'elles affichent. Cette différence entre la perception des donneuses d'ovocytes et les pourcentages affichés par les cliniques peut s'expliquer par l'interférence de certaines variables sur les résultats. Une étude américaine publiée en 2020 2 établit un lien entre:
le nombre d'ovocytes prélevés,
le(s) médicament(s) administré(s) pour stimuler les ovaires
et l'incidence du SHO sévère auquel s'exposent les pourvoyeuses d'ovocytes.
Ne connaissant pas les sources de données sur lesquelles s'appuient les cliniques, il est impossible de savoir quels facteurs sont tenus en considération dans les résultats affichés.
Nous reproduisons au Tableau 1 les résultats du sondage extraits de l'étude américaine. Les pourcentages d'incidence de SHO sévère (10 fois plus que le taux affiché par les cliniques dans certains cas) sont identifiés en rouge et suggèrent un lien avec le nombre d'ovocytes récoltés , les médications administrées et l'incidence du syndrome d'hyperstimulation ovarienne.
Signalons ici que des pourvoyeuses d'ovocytes ont témoigné avoir été "félicitées" pour avoir produit un grand nombre d'ovocytes.
Tableau 1 : Incidence de la sévérité du syndrome d'hyperstimulation ovarienne (SHO) selon le médicament administré pour stimuler et le nombre d'ovocytes extraits.
Source: FREQUENCY AND SEVERITY OF OVARIAN HYPERSTIMULATION SYNDROME (OHSS) AMONG OOCYTE DONORS ACCORDING TO TRIGGER TYPE AND NUMBER OF OOCYTES RETRIEVED. (2020 - Tober and Al.)
Médication |
# ovocytes extraits/
(Cohorte #)
|
Moins de 10
(n=8)
|
De 10 à 19
(n=90)
|
De 20 à 29
(n=83)
|
De 30 à 39
(n=51)
|
De 40 à 49
(n=13)
|
Plus de 50
(n=8)
|
hCG 3 |
SHO léger |
50.0% |
35.6% |
37.3% |
31.4% |
15.4% |
37.5% |
SHO modéré |
12.5% |
22.2% |
31.3% |
35.3% |
53.8% |
37.5% |
SHO sévère |
0.0% |
10.0% |
9.6% |
11.8% |
23.1% |
12.5% |
|
(Cohorte #)
|
(n=4)
|
(n=55)
|
(n=72)
|
(n=41)
|
(n=20)
|
(n=19)
|
Lupron 4
+
hCG
|
SHO léger |
75.0% |
56.4% |
40.3% |
29.3% |
25.0% |
31.6% |
SHO modéré |
25.0% |
27.3% |
40.3% |
43.9% |
50% |
31.6% |
SHO sévère |
0.0% |
7.3% |
5.6% |
7.3% |
5.0% |
26.3% |
|
(Cohorte #) |
(n=10) |
(n=83) |
(n=110) |
(n=75) |
(n=35) |
(n=24) |
Lupron |
SHO léger |
70.0% |
54.2% |
51.8% |
45.3% |
62.9% |
41.7% |
SHO modéré |
10.0% |
15.7% |
26.3% |
24.0% |
22.9% |
45.8% |
SHO sévère |
0.0% |
1.2% |
0.9% |
4.0% |
8.6% |
4.2% |
Le feuillet conseil sur l'hCG (hormone gonadotrophine chorionique) publié sur le site de l'hôpital pour enfants Ste-Justine de Montréal mentionne que : "Ce traitement peut rarement entraîner un syndrome d’hyperstimulation ovarienne (SHO). Afin de le prévenir, un suivi étroit sera effectué."
Rappelons que les pourvoyeuses d'ovocytes ont signalé ne pas bénéficier de suivi médical suite à leur "don" car elles ne sont pas perçues comme des "patientes (voir "Manque de suivis" à gauche).
Témoignages
Dix pourvoyeuses d'ovocytes ont participé à la thèse de doctorat de M. Lavoie 1. Neuf d'entre elles ont été soumises à un protocole médical comprenant des injections hormonales. Sur ces neuf pourvoyeuses, deux d'entre elles ont vécu un syndrome d'hyperstimulation ovarienne (SHO) soit une incidence de 22%.
L'une des deux participantes ayant subit une SHO a été prise en charge dans une urgence hospitalière (p. 260). Lavoie ne mentionne toutefois pas le degré de sévérité du SHO vécu par l'autre participante:
"Deux femmes ont toutefois vécu une hyperstimulation, laquelle a permis chaque fois de fournir plus de 35 ovules, mais a aussi entraîné des complications de santé." (p. 131).
Note 1 : « Médiation procréative et maternités assistées Vers une approche relationnelle et pragmatique de la gestation pour autrui et du don d’ovules au Canada » (LAVOIE, K. (2019), Université de Montréal
Note 2 : Tober and Al., Fertility and Sterility, "FREQUENCY AND SEVERITY OF OVARIAN HYPERSTIMULATION SYNDROME (OHSS) AMONG OOCYTE DONORS ACCORDING TO TRIGGER TYPE AND NUMBER OF OOCYTES RETRIEVED" VOLUME 114, ISSUE 3, SUPPLEMENT , E463, SEPTEMBER 2020
Note 3: L’hCG (hormone gonadotrophine chorionique) est une hormone habituellement produite par le placenta. Elle permet de contrôler le déclenchement de l’ovulation. Elle a été synthétisée pour stimuler les ovaires et les forcer à produire plus d'ovocytes.
Note 4 : Le Lupron est un médicament couramment utilisé dans la première étape du processus de don d'ovules pour arrêter la fonction ovarienne en induisant une ménopause artificielle avant l'hyperstimulation des ovaires. Le Lupron est une hormone synthétique dont l'utilisation n'est pas approuvée par la Food and Drug Administration (FDA) et par Santé Canada pour le traitement de la fertilité.