Quels sont les effets de la médication provoquant une stimulation ovarienne sur la santé des pourvoyeuses d'ovocytes?

 

Les effets à long terme 

Sur les effets à long terme, il y a "peu" et "beaucoup" d'informations à communiquer.

"Peu", car les données et les études concernant ce sujet sont dramatiquement manquantes, ce qui n'empêche pas l'industrie de la fertilité de pratiquer ces interventions sur des femmes comme si elles étaient des cobayes d'une expérience en laboratoire à cette différence près: personne ne prend de notes.

"Beaucoup" d'informations car des témoignages nous parviennent, mais ces témoignages ne sont pas encadrés dans des protocoles de recherches.

Voici quelques témoignages tirés de l'étude "Long-term breast cancer risk following ovarian stimulation in young egg donors: a call for follow-up, research and informed consent" (2017) , une recherche que nous vous invitons à prendre connaissance.  Il est important de noter que l'âge de ces femmes, au moment où le cancer du sein a été diagnostiqué, est atypique.

 

Des témoignages de pourvoyeuses d'ovocytes 

De nombreux autres témoignages sont disponibles sur notre site 

 

 

Patiente A

À l'âge de 29 ans, la patiente A a subi un cycle de stimulation ovarienne avec le leuprolide, l'hormone de libération des gonadotrophines (GnRH), ainsi qu'avec l'HCG, ce qui a permis de produire 28 ovules.


Elle a présenté un syndrome d'hyperstimulation ovarienne (SHO) sévère, avec gonflement massif et torsion de l'ovaire droit. À l'âge de 34 ans, on lui a diagnostiqué un cancer du sein de stade IIB. L'examen anatomopathologique a révélé un carcinome canalaire in situ peu différencié et deux ganglions lymphatiques positifs sur six. Le cancer était positif aux œstrogènes et à la progestérone, et HER-2/neu. négatif. Elle n'avait pas d'antécédents familiaux de cancer du sein et l'analyse génétique était négative pour le gène BRCA.(traduction)

 

L'état actuel des connaissances sur les interventions de dons d'ovocytes

 

Pas de recherches

À ce jour, il n'y a toujours pas eu de revue systématique de preuves sur les effets à long terme du prélèvement d'ovules sur la santé des jeunes femmes qui fournissent leurs ovules. Il est donc impossible pour les femmes de donner un véritable consentement éclairé quant aux risques encourus.Des pourvoyeuses d'ovocytes sont sollicitées pour faire plusieurs dons. Quels sont les risques de faire plusieurs dons d'ovocytes?  Il n'existe aucune étude sur les risques des dons multiples sur la santé des pourvoyeuses.  Ces femmes font les frais d'expériences médicales... mais personne ne prend des notes.

Pas de données

Il est crucial d'étudier les femmes qui donnent leurs ovules tout au long de leur vie pour disposer de preuves concrètes sur les risques potentiels pour leur propre fertilité, leur santé, leur bien-être mental et d'autres effets négatifs à long terme du don d'ovules. Il n'existe pas d'études sur les effets d'un taux élevé de prélèvement d'ovules.  Les cliniques prélèvent jusqu'à 60 ou 70 ovocytes par cycles, dans une totale ignorance des risques et des effets à long terme.

Pas de suivi médical

Il n'est pas requis de répertorier les dossiers des pourvoyeuses d'ovocytes dans une base de données centrale.   Une fois le prélèvement terminé, les femmes sont oubliées. Contrairement aux femmes bénéficiant d'un traitement de fertilité, les pourvoyeuses d'ovules sont rarement considérées comme des patientes et, de ce fait, ne reçoivent pas toujours les soins nécessaires et une attention et un suivi adéquat à leur condition.

 

Les effets à court terme

Le projet intitulé "What egg donors want intended parents to know" ("Ce que les pourvoyeuses d'ovocytes veulent que les parents d'intention sachent") est une collaboration entre l'organisme "Surrogacy 360" et "We are eggs donnors" un forum qui cumule les témoignages de pourvoyeuses d'ovocytes à travers le monde.

Ce projet est une ressource en ligne qui rend compte sous la forme de capsules vidéo les expériences de pourvoyeuses d'ovocytes, leurs besoins, leurs inquiétudes, leurs questionnements.  Voici quelques informations que l'on peut tirer à partir de leurs témoignages:

 

ÉCOUTONS-LES !

 

Des extractions par dizaines

Il est de plus en plus commun que des cliniques extraient de 60 à 80 ovocytes en un seul cycle.  Il arrive que le personnel médical "félicite" la jeune femme pour cette "contribution", ce qui contrevient aux normes d'éthique médicale: ce nombre excède les normes considérées comme sécuritaires.

 

Économiser en faisant prendre des risques supplémentaires à la donneuse d'ovocytes

Les pourvoyeuses d'ovocytes ayant contribué au projet "What egg donors want intended parents to know" demandent aux parents prospectifs de ne pas partager les coûts d'un cycle d'ovocytes avec une autre famille.  Cela réduit le coût pour les parents prospectifs, mais augmente le risque pour la pourvoyeuse. La clinique sera motivée financièrement à l'hyperstimuler afin de produire un plus grand nombre d'ovules pour un plus grand nombre de personnes.

 

 

Les pourvoyeuses d'ovocytes sont jeunes

Elles sont peu expérimentées, elles ne connaissent pas leurs droits et font confiance aux cliniques de fertillité qui tirent profit de l'extraction de leurs ovocytes. 

La plupart d'entre elles n'ont jamais vu ou signé un contrat avant cette expérience. Elles font confiance et acceptent souvent être représentées par l'avocat engagé par les parents prospectifs (les clients).   Si vous avez l'intention de devenir pourvoyeuses d'ovocytes, (ce que nous déconseillons), il est esssentiel d'exiger être conseillée par un avocat indépendant.

L'inexpérience de ces jeunes femmes peut se traduire autant par leur incompréhension des contrats que par l'incompréhension des formulaires de consentement.  L'exemple suivant illustre notre propos. Certaines cliniques demandent le consentement du conjoint pour procéder à ces interventions.  Dans la thèse de doctorat de M. Lavoie 1, une pourvoyeuse interprète cette exigence comme une atteinte à "l'agentivité" des femmes (p. 203). Cette interprétation semble d'ailleurs partagée par le chercheur. 

Or, il est plus que probable que cette exigence émane bien davantage d'une volonté de la clinique de se prémunir contre d'éventuelles poursuites judiciaires de la part du conjoint en cas d'issue défavorable, plutôt que d'une conviction selon laquelle les femmes seraient inaptes à "disposer de leur corps". 

 

 


On les informe mal ou insuffisamment


"Bien qu’ayant reçu une longue liste de mises en garde au début du processus de la part de l’équipe médicale, elles ont tout de même été surprises par les effets inattendus du traitement et leurs réactions corporelles et émotionnelles après l’opération.1"

- Kévin Lavoie

Dans un texte intitulé "The Wild, Wild West’ of the American Egg Donor Industry" (décembre 2024), la journaliste Rina Raphael rencontre Kaylene Breeding, une pourvoyeuse d'ovocytes états-unienne.  Kaylene a subi six cycles d'extractions d'ovocytes au cours de sa vingtaine et a été modératrice et administratrice du groupe "We are eggsdonors".

Maintenant âgée de 36 ans, Kaylene, qui n'a pas d'enfant, est aux prises avec une fertilité compromise. Elle risque une hystérectomie en raison d'une endométriose et d'une adénomyose sévères, des affections débilitantes dans lesquelles le tissu endométrial se développe là où il ne devrait pas. Elle souffre de douleurs chroniques pendant l'exercice, l'ovulation et les rapports sexuels. 

La journaliste rapporte que le médecin de Kaylene croit que ces souffrances et sa condition sont attribuables aux administrations massives d'hormones reçues dans le cadre de ses dons d'ovocytes, mais comme les recherches des effets à long terme de ces interventions sur les femmes sont très peu investiguées, ces informations ne peuvent être communiquées aux pourvoyeuses.

« Personne ne veut faire de recherches parce que, franchement, je suppose qu'ils ont peur de ce que nous pourrions découvrir », a-t-elle confié à la journaliste.

Elle a également déclaré que ces effets secondaires potentiels n'étaient pas clairs pour elle lorsqu'elle a fait son don.

 

"On ne m'a jamais dit qu'il s'agissait de risques réels qui pourraient avoir un impact sur le reste de ma vie.  Je n'ai jamais rien vu venir." (Notre traduction)

Sur l'ensemble de ces dons, un seul a donné lieu à des enfants. Il s'agit de jumeaux nés d'un couple d'hommes homosexuels en Israël.

 

Note 1« Médiation procréative et maternités assistées Vers une approche relationnelle et pragmatique de la gestation pour autrui et du don d’ovules au Canada » (LAVOIE, K. (2019),   Université de Montréal, p.262)

Note Semba S, Moriya T, Youssef EM, Sasano H. "An autopsy case of ovarian hyperstimulation syndrome with massive pulmonary edema and pleural effusion". Pathol Int 2000;50:549e52.

Note Tyagi S, Mridha AR, Behera C. "Sudden death of an egg donor during oocyte retrieval due to ovarian hyperstimulation syndrome." Autops Case Rep. 2022 May 27

L'abstinence sexuelle

Une participante à la thèse doctorale de K. Lavoie 1 déplore le manque d'informations communiquées aux pourvoyeuses d'ovocytes concernant les rapports sexuels.  "Les donneuses ignoraient cette répercussion avant d’entamer le processus de don." rapporte le chercheur.

 

"Le seul truc…c’était le côté sexuel, parce qu’on ne pouvait pas avoir de relation avant, parce que j’étais beaucoup trop fertile. Pendant, bien…ça fait mal, tu n’as juste pas envie. Et tu ne peux pas prendre ta pilule. Après, il faut attendre encore un peu, parce qu’il peut rester des ovules. Ça fait que j’ai été bloquée comme six mois."

-Anaïs, donneuse d’ovules

 

Le lupron

Le "CENTER FOR BIOETHICS AND CULTURE NETWORK" rappelle une information essentielle à connaître et qui n'est malheureusement pas tenue en compte ni même mentionnée dans la thèse de M. Lavoie: 

Le Lupron est un médicament couramment utilisé dans la première étape du processus de don d'ovules pour arrêter la fonction ovarienne en induisant une ménopause artificielle avant l'hyperstimulation des ovaires.  Le Lupron est une hormone synthétique dont l'utilisation n'est pas approuvée par la Food and Drug Administration (FDA) et par Santé Canada pour le traitement de la fertilité.

Aux États-Unis le Lupron est classé dans la catégorie X, ce qui signifie que si une femme tombe enceinte alors qu'elle prend ce médicament, il y aura des conséquences néfastes pour l'enfant et le développement du fœtus sera compromis. Ceci est extrêmement préoccupant pour les donneuses d'ovules qui sont très fertiles et qui pourraient ne pas respecter les instructions d'abstinence sexuelle pendant une aussi longue période (jusqu'à 6 mois).

 

"L’intervention s’est faite début août, et je pense qu’on a commencé à pratiquer l’abstinence en juin. Je ne voulais pas qu’il arrive une bad luck pendant ce temps-là [rires]. Mon conjoint était déjà au courant, je lui avais dit : « Il n’est pas question qu’on prenne une chance ». On disait à la blague : « Touche-moi pas, on va avoir des quintuplés! » [rires]. Oui, il y a eu des impacts, mais ce n’était pas la fin du monde."

Gabrielle, donneuse d’ovules)

Santé Canada n'a pas établi l’innocuité du médicament pendant la grossesse2. Le Lupron a été autorisé au Canada pour les usages suivants : la puberté précoce d’origine centrale, le cancer de la prostate, l'endométriose et les fibromes utérins. 

Les autres utilisations sont assujetties aux normes d' un "usage hors indication d'un médicament" dont la vente est autorisée au Canada. 

 

Note 1« Médiation procréative et maternités assistées Vers une approche relationnelle et pragmatique de la gestation pour autrui et du don d’ovules au Canada » (LAVOIE, K. (2019),   Université de Montréal
Note 2 MONOGRAPHIE AVEC RENSEIGNEMENTS DESTINÉS AUX PATIENTS PrLUPRON DEPOT® ( p. 18, p. 104 ) - Mises à jour 2024


L'Effet sur la vision

 

L'insuffisance d'information 

Dans sa thèse de doctorat1, Lavoie rapporte que "Plus de la moitié des femmes rencontrées ont évoqué en entrevue différentes complications ou effets secondaires prolongés suite à leur don."  

Deux donneuses (sur 9 participantes ayant été soumises à un protocole médical comprenant des injections hormonales à l'étude) ont eu des infections aux yeux ayant causé une baisse de vision temporaire.

"Il y a des risques dont on ne m’avait pas parlé, comme la baisse de vision. Il semblerait que j’ai perdu de la vision dans un œil. Les hormones sont en train de baisser et ma vue a recommencé à devenir bonne. Ils m’ont dit que les hormones pouvaient modifier la vision. Temporairement ou de façon permanente."

(Emmanuelle, donneuse d’ovules)

"J’ai eu des infections aux yeux causées par les hormones. J’avais aussi des rash, j’étais mauve partout dans le visage. On dirait que mon corps s’en est souvenu. Il a dit : « Ma coquine, tu ne me feras pas ça une deuxième fois! On va réagir, comme ça, ça va te décourager et tu vas arrêter ». Mais je n’ai pas arrêté, j’ai persévéré."

(Anaïs, donneuse d’ovules)

Note 1« Médiation procréative et maternités assistées Vers une approche relationnelle et pragmatique de la gestation pour autrui et du don d’ovules au Canada » (LAVOIE, K. (2019),   Université de Montréal

 


Risques de cancer

Une participante à la thèse doctorale de K. Lavoie 1 s'étant astreinte à ces doses massives d'hormones a reçu plus tard un diagnostic de cancer de l'utérus.  Elle a dû faire un deuil de sa fertillité après une hystérectomie.  Il est important de rappeler ici que ces doses sont injectées aux femmes pour atteindre des cibles de taux de réussite dans un contexte de concurrence des marchés.  Étant donné l'échantillonnage très faible de la cohorte étudiée (9 pourvoyeuses d'ovocytes), il est très préoccupant avoir noté un cancer de l'utérus dans cette étude.

"Geneviève a quant à elle dû subir une hystérectomie pour éviter la propagation d’un cancer causé selon elle par la prise successive de fortes doses d’hormones lors de ses deux expériences de GPA : J’ai eu des complications après avoir accouché. À cause de la médication pour inciter la grossesse…c’était trop demander à mon corps. Il était déjà parfaitement capable de fonctionner sans médication. De quadrupler ses besoins avec des hormones, ça l’a détruit. J’ai dû subir une hystérectomie complète à cause de ça."

(Geneviève, femme porteuse)

L’ablation de son utérus a mis fin à ses projets d’avoir d’autres enfants pour elle-même ou, encore, de vivre une troisième grossesse pour autrui. La joie d’avoir contribué à fonder ainsi deux familles se mélange au deuil de la stérilisation, une douleur partagée par la mère d’intention de son premier projet de GPA avec qui elle entretient toujours une grande complicité."

(À ce sujet, voir les motivations des mères porteuses sur notre site)


Manque de suivi médical

Ce témoignage d'une pourvoyeuse d'ovocytes est extrait de la thèse de doctorat « Médiation procréative et maternités assistées - Vers une approche relationnelle et pragmatique de la gestation pour autrui et du don d’ovules au Canada » 1.  Il va dans le même sens que les témoignages des vidéos clips du site du projet.

 

"Le processus est vraiment intense. Tu es vraiment soumise à la bonne volonté de la receveuse. Il y a plein d’éléments qui te rendent vraiment vulnérable, dans le fond, sur lesquels tu n’as pas de contrôle. La clinique qui fait les traitements ne te donne pas de soutien. Je ne me sentirais pas en sécurité de le refaire, émotionnellement et physiquement non plus, parce qu’il n’y a pas de suivi. Je trouve que c’est vraiment mal encadré. Encore une fois, on laisse de côté une problématique qui touche profondément les femmes et leur système reproducteur. On se déresponsabilise en disant : « Ça n’existe pas », alors que c’est au CŒUR de la procréation assistée."

- Maxine, donneuse d’ovules

Dans le feuillet-conseil de l'Hôpital Ste-Justine (Montréal) sur la prévention du  Syndrome d’hyperstimulation ovarienne (SHO) il est mentionné que le médecin effectuera un "suivi étroit de votre réponse au traitement".

Le chercheur Kévin Lavoie ajoute ceci à propos de l'absence de suivi des participantes :

"Malgré les nombreux cas répertoriés dans ce groupe restreint de participantes, une seule donneuse a bénéficié d’un suivi post-ponction avec une professionnelle de la santé, sous la forme d’un rendez-vous téléphonique qu’elle a toutefois sollicité elle-même. Étant inquiète par rapport à des effets secondaires persistants, elle a pu discuter avec une infirmière pour avoir l’heure juste. Les neuf autres donneuses n’ont jamais eu d’autres contacts par la suite avec la clinique. Celles qui ont la chance d’avoir un médecin de famille ont pris rendez-vous avec lui ou elle pour un bilan de santé, profitant de l’occasion pour lui partager leurs préoccupations des effets à long terme du don d’ovules."

 

Note 1« Médiation procréative et maternités assistées Vers une approche relationnelle et pragmatique de la gestation pour autrui et du don d’ovules au Canada » (LAVOIE, K. (2019),   Université de Montréal


Sous-évaluation de la fréquence du syndrome d'hyperstimulation ovarienne 

Les pourvoyeuse d'ovocytes veulent dire aux parents prospectifs que le SHO survient plus fréquemment que les cliniques le prétendent.  C'est une condition médicale très sérieuse qui ne devrait pas être prise à la légère.  

Le site "We are egg donors" remet en question le pourcentage avancé par les cliniques de fertilité à savoir que seulement "1%" des pourvoyeuses d'ovocytes développeraient le  syndrome d'hyperstimulation ovarienne.

Nous reproduisons ici en français, un extrait à propos de ce taux d'incidence (notre traduction - version originale ici) :

" Mais sur le groupe Facebook privé de la WAED (We are Egg Donnors), les pourvoyeuses d'ovocytes lisent régulièrement des messages d'autres personnes ayant subi une hyperstimulation ovarienne, qu'il s'agisse de cas bénins ou de cas très graves nécessitant une hospitalisation.

Les symptômes graves d'hyperstimulation ovarienne vont des ballonnements aux nausées, en passant par les vomissements, la distension abdominale et même la rétention d'eau, qui exerce une pression sur les principaux organes et peut entraîner un accident vasculaire cérébral ou des difficultés respiratoires. Lorsque l'on considère le coût/bénéfice du don d'ovules, les pourvoyeuses comme les receveuses peuvent considérer qu'il s'agit d'un pari risqué pour une procédure dont le taux de réussite n'est que de 30 à 40 %.

Bien que la plupart de ces femmes se rétablissent, il n'y a aucun moyen de savoir comment une hyperstimulation ovarienne affectera les donneuses à long terme.

 De nombreuses agences et cliniques insistent sur le fait que le don d'ovules est sûr - que les risques sont inférieurs à 1 % - mais il n'y a vraiment aucune preuve pour étayer cette affirmation parce qu'il n'y a pratiquement pas eu de recherche sur les résultats de santé à court et à long terme pourvoyeuses d'ovules, explique l'anthropologue médicale Diane Tober, de l'Université de Californie à San Francisco, qui mène des recherches sur les donneuses d'ovules depuis 2013. À ce jour, elle a interrogé plus de 90 donneuses et ex-donneuses d'ovules et recueilli 180 questionnaires en ligne. Ses premières conclusions indiquent que bien plus de 1 % des donneuses d'ovules connaissent des complications, parfois très graves.

Des décès ont été signalés dans les cas les plus graves 1 2

Les cliniques évitent souvent de mentionner les sources des données qu'elles affichent.  Cette différence entre la perception des donneuses d'ovocytes et les pourcentages affichés par les cliniques peut s'expliquer par l'interférence de certaines variables sur les résultats. Une étude américaine publiée en 2020 2 établit un lien entre:

le nombre d'ovocytes prélevés, 

le(s) médicament(s) administré(s) pour stimuler les ovaires

et l'incidence du SHO sévère auquel s'exposent les pourvoyeuses d'ovocytes.  

Ne connaissant pas les sources de données sur lesquelles s'appuient les cliniques, il est impossible de savoir quels facteurs sont tenus en considération dans les résultats affichés.

Nous reproduisons au Tableau 1 les résultats du sondage extraits de l'étude américaine.  Les pourcentages d'incidence de SHO sévère (10 fois plus que le taux affiché par les cliniques dans certains cas) sont identifiés en rouge et suggèrent un lien avec le nombre d'ovocytes récoltés , les médications administrées et l'incidence du syndrome d'hyperstimulation ovarienne.  

Signalons ici que des pourvoyeuses d'ovocytes ont témoigné avoir été "félicitées" pour avoir produit un grand nombre d'ovocytes.

Tableau 1 : Incidence de la sévérité du syndrome d'hyperstimulation ovarienne (SHO) selon le médicament administré pour stimuler et le nombre d'ovocytes extraits.

Source: FREQUENCY AND SEVERITY OF OVARIAN HYPERSTIMULATION SYNDROME (OHSS) AMONG OOCYTE DONORS ACCORDING TO TRIGGER TYPE AND NUMBER OF OOCYTES RETRIEVED. (2020 - Tober and Al.)

 

Médication

# ovocytes extraits/

(Cohorte #)

Moins de 10

(n=8)

De 10 à 19

(n=90)

De 20 à 29

(n=83)

De 30 à 39

(n=51)

De 40 à 49

(n=13)

Plus de 50 

(n=8)

hCG 3 SHO léger 50.0% 35.6% 37.3% 31.4% 15.4% 37.5%
SHO modéré 12.5% 22.2% 31.3% 35.3% 53.8% 37.5%
SHO sévère 0.0% 10.0% 9.6% 11.8% 23.1% 12.5%
 

(Cohorte #)

(n=4)

(n=55)

(n=72)

(n=41)

(n=20)

(n=19)

Lupron 4

+

hCG

SHO léger 75.0% 56.4% 40.3% 29.3% 25.0% 31.6%
SHO modéré 25.0% 27.3% 40.3% 43.9% 50% 31.6%
SHO sévère 0.0% 7.3% 5.6% 7.3% 5.0% 26.3%
  (Cohorte #) (n=10) (n=83) (n=110) (n=75) (n=35) (n=24)
Lupron SHO léger 70.0% 54.2% 51.8% 45.3% 62.9% 41.7%
SHO modéré 10.0% 15.7% 26.3% 24.0% 22.9% 45.8%
SHO sévère 0.0% 1.2% 0.9% 4.0% 8.6% 4.2%

Le feuillet conseil sur l'hCG (hormone gonadotrophine chorionique) publié sur le site de l'hôpital pour enfants Ste-Justine de Montréal mentionne que : "Ce traitement peut rarement entraîner un syndrome d’hyperstimulation ovarienne (SHO). Afin de le prévenir, un suivi étroit sera effectué." 

Rappelons que les pourvoyeuses d'ovocytes ont signalé ne pas bénéficier de suivi médical suite à leur "don" car elles ne sont pas perçues comme des "patientes (voir "Manque de suivis" à gauche).

Témoignages

Dix pourvoyeuses d'ovocytes ont participé à la thèse de doctorat de M. Lavoie 1.  Neuf d'entre elles ont été soumises à un protocole médical comprenant des injections hormonales.  Sur ces neuf pourvoyeuses, deux d'entre elles ont vécu un syndrome d'hyperstimulation ovarienne (SHO) soit une incidence de 22%. 

L'une des deux participantes ayant subit une SHO a été prise en charge dans une urgence hospitalière (p. 260).  Lavoie ne mentionne toutefois pas le degré de sévérité du SHO vécu par l'autre participante:

"Deux femmes ont toutefois vécu une hyperstimulation, laquelle a permis chaque fois de fournir plus de 35 ovules, mais a aussi entraîné des complications de santé." (p. 131). 

 

Note 1 : « Médiation procréative et maternités assistées Vers une approche relationnelle et pragmatique de la gestation pour autrui et du don d’ovules au Canada » (LAVOIE, K. (2019),   Université de Montréal
Note 2 : Tober and Al., Fertility and Sterility, "FREQUENCY AND SEVERITY OF OVARIAN HYPERSTIMULATION SYNDROME (OHSS) AMONG OOCYTE DONORS ACCORDING TO TRIGGER TYPE AND NUMBER OF OOCYTES RETRIEVED"  VOLUME 114, ISSUE 3, SUPPLEMENT , E463, SEPTEMBER 2020
Note 3: L’hCG (hormone gonadotrophine chorionique) est une hormone habituellement produite par le placenta. Elle permet de contrôler le déclenchement de l’ovulation.  Elle a été synthétisée pour stimuler les ovaires et les forcer à produire plus d'ovocytes.
Note 4 : Le Lupron est un médicament couramment utilisé dans la première étape du processus de don d'ovules pour arrêter la fonction ovarienne en induisant une ménopause artificielle avant l'hyperstimulation des ovaires.  Le Lupron est une hormone synthétique dont l'utilisation n'est pas approuvée par la Food and Drug Administration (FDA) et par Santé Canada pour le traitement de la fertilité.

Note 1« Médiation procréative et maternités assistées Vers une approche relationnelle et pragmatique de la gestation pour autrui et du don d’ovules au Canada » (LAVOIE, K. (2019),   Université de Montréal, p.262)

Note Semba S, Moriya T, Youssef EM, Sasano H. "An autopsy case of ovarian hyperstimulation syndrome with massive pulmonary edema and pleural effusion". Pathol Int 2000;50:549e52.

Note Tyagi S, Mridha AR, Behera C. "Sudden death of an egg donor during oocyte retrieval due to ovarian hyperstimulation syndrome." Autops Case Rep. 2022 May 27