On peut trouver plusieurs témoignages de mères porteuses dans la thèse de doctorat de Kévin Lavoie [1]. Plusieurs exemples venant illustrer les motivations sont issus de son travail. D'autres témoignages proviennent d'autres sources. Elles sont référées séparément.
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Les motivations financièresS'il n'y pas qu'une seule motivation amenant des femmes à s'engager dans une pratique de grossesse pour autrui, il n'en demeure pas moins que sans rémunération, la majorité d'entre elles ne s'y prêteraient pas, que ça soit dans des pays où la GPA est "altruiste" et "encadrée" ou dans les pays où elle est commercialisée.
"Je n’aime pas dire : « Mes dépenses sont remboursées » et que, dès qu’on apprend qu’elles ont été remboursées pour 18 000$, les gens disent : « Tu l’as fait pour le cash ». Je ne l’ai pas fait pour le cash, mais je ne l’aurais pas fait complètement gratuitement non plus. Parce que j’encours des dépenses, et ça représente beaucoup de sacrifices dans ma vie. Ce n’est pas à moi et à ma famille d’assumer les coûts de ce projet-là, et encore moins de nous appauvrir pour le concrétiser." (Claudine, femme porteuse)
Notre page sur la rémunération des mères porteuses dresse un portrait de la situation des paiements au Québec et au Canada.
Congés payés
Outre les paiements et les "remboursements" d'autres sources de motivations financières sont mentionnées dans la thèse de doctorat de M. Lavoie. Des femmes monoparentales y trouvent une opportunité de prendre congé de leur travail pour passer plus de temps auprès de leurs enfants:
"Je ne te cacherai pas que les avantages du RQAP [2] sont aussi tentants pour moi. Dix-huit semaines à passer avec ma famille et à me donner à 100% pour mon fils, c’est quelque chose que j’apprécie beaucoup." (Isabelle, femme porteuse) Autre témoignage : |
Une femme bénéficiant d'une situation financière stable n'a pas à offrir des maternités de substitution pour être en mesure de passer du temps avec ses propres enfants. Ce sont les femmes socio-économiquement précaires qui sont le plus susceptibles de faire ces choix.
Revenu pour retour aux étudesLe remplacement de revenu de travail, qu'il soit payé par le régime québécois d'assurance parentale ou par les parents prospectifs est aussi invoqué comme une source de revenu attrayante permettant de subventionner un retour aux études, la rédaction d’un mémoire de maîtrise ou une réorientation de carrière:
"Ça s’est mis à me trotter dans la tête. Je suis en transition de vie, si on veut. Je suis séparée depuis un an. Je veux changer de carrière, tout ça. C’est comme l’année idéale pour le faire." (Marilyne, femme porteuse)
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"Je le faisais en même temps un peu pour moi, cette grossesse-là. Pour moi qui vis avec quatre enfants et qui travaille à l’autre bout de la ville, qui fait une heure et quart de transport le matin et le soir…je suis en retrait préventif. Juste d’avoir un an à la maison avec mes enfants, reprendre un rythme de vie normal, c’est le plus beau des cadeaux. Cette année-là, je me la donne pour respirer, pour profiter. Pour savourer le moment avec ce bébé-là dans mon ventre." (Élise, femme porteuse) |
Tout comme le congé de travail permettant de prendre du temps avec ses enfants, il s'agit d'une motivation dont l'aspect financier n'est pas enregistré comme tel par le chercheur. Les femmes bénéficiant de revenus suffisants n'ont pas à devenir enceintes, prendre ces risques avec leur santé et céder un enfant pour faire un retour aux études [3]. |
Motivations de solidarité amicale ou familiale
Quelques femmes ont mentionné au chercheur M. Lavoie, "aimer être enceintes" et/ou vouloir faire plaisir à un membre de la famille (un cousin homosexuel) ou un couple d'amis.
Bien que ce type d'arrangement social puisse paraître étonnant à notre époque, il est important de rappeler qu'il a toujours existé. Dans la première moitié du siècle dernier, il arrivait que des familles comptant plusieurs enfants acceptent qu'une soeur, une belle-soeur, ou une cousine nullipare (et mariée) prenne en charge un de leurs enfants. Ces arrangements étaient motivés par une solidarité familiale et un souci d'alléger la charge familiale. Ces pratiques ont plus ou moins cessé en même temps que la contraception et l'interruption de grossesse sont devenues accessibles, et que la situation économique des femmes s'est améliorée.
Mais ce qui distingue fondamentalement les arrangements du siècle dernier de ceux d'aujourd'hui, c'est que les premiers ne portaient pas atteinte aux droits de l'enfant.La vérité sur les faits de sa naissance n'étaient pas falsifiée sur ses documents d'état civil et il avait toujours accès à ses origines.
La thèse doctorale de M. Lavoie recense plusieurs de ces exemples : sur les quinze mères porteuses ayant participé à l'étude, cinq ont effectué une gestation pour autrui pour des membres de leur famille ou des connaissances, ce qui correspond à un ratio d'un tiers des participantes. Ce pourcentage est nettement supérieur aux données de l'analyse qualitative ontarienne "Not my child to give away”: A qualitative analysis of gestational surrogates’ experiences" [5] qui rapportent plutôt un ratio de 5.9%. Ces gestes de solidarité sociale ou familiale sont marginaux et peu représentatifs de l'industrie de la maternité de substitution.
L'échantillonnage de M. Lavoie semble donc surreprésenter ces situations d'entraides familiales, une distorsion peut-être attribuable à son faible échantillonnage (l'étude de M. Lavoie ne cumulait que quinze arrangements de GPA tandis que celui de l'étude ontarienne en cumulait 287). Motivations familialesDe manière assez étonnante, des motivations que l'on pourrait qualifer "d'ordre familiale" ont été évoquées par l'une des mères porteuses faisant partie de l'échantillonnage du chercheur K. Lavoie.
Kate, une mère porteuse anglophone a proposé de porter un enfant pour un couple d'amis homosexuels parce qu'elle souhaitait avoir une soeur ou un frère pour sa propre fille:
«"Dès que j'ai pris de l'âge, j'ai commencé à me sentir parfois un peu triste que mon enfant n'ait jamais de frère ou de sœur, ou de parent de sa génération dans le monde. [...]. Car ni mon frère ni ma sœur n'ont d'enfants. Il semblait même peu probable que mes cousins germains en aient. Je commençais donc à avoir l'impression que ma fille allait être la seule de sa génération. Et lorsque les membres de la génération précédente mourront, elle sera un peu seule, en termes de parenté. Je cherchais donc une solution qui me permettrait d'avoir un enfant pour un autre couple qui serait ami et qui nous permettrait, à ma fille et à moi, de continuer à avoir une relation avec l'enfant."
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Cette motivation est singulière, car il peut sembler surprenant que Kate n'ait pas choisi d'avoir un second enfant avec son partenaire: " [...] Même si j'aime beaucoup ma fille [enfant qu'elle a porté pour un couple d'amis] et que j'étais heureuse de mettre une autre vie au monde, je ne voulais pas élever un autre enfant. Je ne voulais pas passer par des années de nuits blanches et de lavage de couches. C'est peut-être anormal." Pour s'assurer que les enfants soient liés génétiquement, les parties ont convenu que Kate soit inséminée. Cette méthode de conception fait en sorte qu'elle est la mère "biologique" (par gestation) et la mère "génétique" (par conception). On pourrait voir dans ce comportement un désir ambigü (ou inconscient) d'avoir un autre enfant. L'expression de son inconfort face aux termes du contrat, semble confirmer cette ambiguïté.
Ce projet a créé de fortes tensions dans sa relation conugale et a engendré des pertes d'amitiés.
Motivations psychologiques
Certains témoignages de mères porteuses laissent penser que la maternité de substitution peut apparaître comme un moyen d'assouvir un désir d'attention, un besoin de valorisation, et même une source d'affection, particulièrement quand la femme a subi une perte ou vécu une séparation douloureuse.
Kristen
Dans un recours judiciaire publié sur notre site, Kristen [4] a témoigné en cour qu'elle a eu l'idée de faire une GPA pour un couple d'amis homosexuels suite à une séparation difficile d'avec son mari. Ce bouleversement émotif fut assez intense pour que Kristen demande l'accès à des soins thérapeutiques malgré son faible revenu. En dépit de sa vulnérabilité émotionnelle, attestée par sa psychologue, ni le couple d'amis ni son nouveau conjoint n'ont jugé opportun de lui conseiller de reporter ce projet.
Au cours du procès, la thérapeute a témoigné que lors de ses séances avec Kristen, elle s'était efforcée d'amener cette dernière à fixer des limites avec les autres et à parler d'elle-même et de ses besoins au lieu de toujours se préoccuper de plaire aux autres.
Kristen a témoigné que, parce qu'elle voulait toujours plaire aux autres et les aider, elle n'avait pas été franche avec les requérants au sujet de ses véritables sentiments concernant l'abandon de son bébé.
Karen
Karen a témoigné avoir fait une dépression post-partum après une GPA (elle a fait 4 GPA). Son médecin traitant attribue sa dépression à la césarienne qu'elle a dû subir. Karen réfute cette explication ainsi que la possibilité qu'elle soit attribuable à la séparation d'avec le nouveau-né :
« Je ne pense pas que ce soit le fait que l'enfant m'ait manqué lorsque j'ai fait une dépression post-partum. Je pense que la relation avec les pères m'a simplement manqué. Nous parlions tout le temps, comme... ils venaient me voir tous les 3 mois, et tout d'un coup c'était fini, après 2 ans... Oui, c'était dur. » (Karen, femme porteuse) ( Notre traduction)
Pour Karen, la relation avec les pères s'inscrivait dans le récit maintes fois répété: "un cadeau de vie" et s'attendait de développer une relation d'amitié et d'affection durable et profonde.
Pour les parents prospectifs, la relation s'inscrivait dans l'implacable réalité de cette industrie : une relation contractuelle. |