CHRONIQUE D'UN DÉSASTRE ANNONCÉ

 

Des avocats testent les lois      canadiennes

 

Cette cause a été entendue et un jugement a été rendu à Welland, Ontario, devant l'Honorable  juge de la Cour Supérieure de Justice de l'Ontario,  N. Gregson , le 31 mai 2022

Le jugement original peut-être consulté ici (disponible en anglais seulement)

Les détails du jugement:

No: FC-21-00000255-0000

Les parties en cause 

 

* Les noms sont fictifs

Plaignants : Bill Johnson (H-30 ans) et 

Conrad Clark (H-33 ans) - Couple

 

Intimés: Kristen Blake (F - 29 ans) et 

Julian Auclair (H- 31 ans) - Couple

Le litige

 

Deux couples revendiquent la garde de l’enfant Isabelle (âgée de 17 mois au moment de l’audition de la cause) et la reconnaissance de sa filiation parentale

PRÉSENTATION DES PARTIES EN LITIGE

PROFILS DES PARTIES EN LITIGE

 


 

 

Intimés

 

 


 

L'Histoire de la conception d'Isabelle

Depuis de nombreuses années, Mme Blake et son mari M. Allan partageaient une amitié avec le couple Johnson/Clark.  Ils passaient des vacances ensemble et se recevaient mutuellement.

En 2019, le mariage de Mme Blake et M. Allan tire à sa fin. Mme Blake entame une démarche auprès d’une psychothérapeute pour apaiser la souffrance psychologique qu'elle éprouvait face à cette séparation. À la même période, elle contacte le couple Johnson/Clark parce qu’elle estimait que cette période de sa vie pouvait être un bon moment pour porter un enfant pour eux.  Cette éventualité avait déjà été discutée dans le passé, mais le mari de Mme Blake, M. Allan, s’y était opposé. Il voulait que leur couple commence par mettre au monde leurs propres enfants avant de proposer ce service au couple d’amis.

Fin 2019 Mme Blake s’inscrit à un site de rencontre et entreprend une nouvelle relation amoureuse avec M. Auclair. Quelques mois plus tard (mars 2020) le couple aménage ensemble et achète une maison à Lindsay Ont. en juillet 2020.

Mme Blake avait déjà présenté son nouveau compagnon au couple Johnson/Clark en janvier 2020.  Au cours de cette rencontre, la question de grossesse pour autrui est évoquée à nouveau. Ces évènements sont décrits par le juge dans les documents de cour de la façon suivante :

 

"The parties all met at East Side Mario’s Restaurant in Oshawa, Ontario on January 22, 2020. Ms. Blake testified she did not recall specifically speaking about surrogacy, other than perhaps who was going to call the fertility clinic.  I note during her Examination for Discovery Ms. Blake indicated they spoke about surrogacy and confirmed Mr. Johnson would be the one to provide his sperm.  Mr. Auclair confirmed this was the discussion during his trial evidence."

 

"Les intervenants se sont toutes rencontrés au restaurant East Side Mario's à Oshawa, en Ontario, le 22 janvier 2020. Mme Blake a déclaré qu'elle ne se souvenait pas d'avoir parlé spécifiquement de la maternité de substitution, sauf peut-être de savoir qui allait appeler la clinique de fertilité.  Je note que lors de son interrogatoire préalable que Mme Blake a indiqué qu'ils avaient parlé de la maternité de substitution et qu'elle a confirmé que M. Johnson serait celui qui fournirait son sperme.  M. Auclair a confirmé qu'il s'agissait de la discussion lors de son témoignage au procès."

Paragraphe [59] - Notre traduction

Le couple Johnson/Clark relate que pendant cette rencontre, M. Auclair aurait montré une photo de son fils Aaron et des compliments sur la beauté du petit garçon ont été échangés.  Sous forme de blague, le couple Johnson/Clark aurait proposé qu’il fournisse son sperme pour une grossesse pour autrui.  Cette discussion n’a pas été confirmée par le couple Blake/Auclair.  Selon M. Clark il y aurait eu une discussion à propos de M. Auclair fournissant le sperme pour la conception et que si jamais Mme Blake et M. Auclair faisaient un enfant, lui et son compagnon seraient ouverts à l’adopter.

 


 

 

Le souper

Le couple Johnson/Clark relate que pendant cette rencontre, M. Auclair aurait montré une photo de son fils Aaron et des compliments sur la beauté du petit garçon ont été échangés.  Sous forme de blague, le couple Johnson/Clark aurait proposé qu’il fournisse son sperme.  Cette discussion n’a pas été confirmée par le couple Blake/Auclair.  Selon M. Clark il y aurait eu une discussion à propos de M. Auclair fournissant le sperme pour la conception et que si jamais Mme Blake et M. Auclair faisaient un enfant, ils seraient ouverts à l’adopter.

 

Suite à cette rencontre, le couple Johnson/Clark a commencé à faire des recherches pour trouver une clinique de fertilité, mais ces démarches ont coïncidé avec le début de la période de confinement de la Covid-19 et les recherches n’ont pas abouti.

 

À la même période, Mme Blake a contacté son médecin pour s’informer sur le processus de gestation pour autrui.  Son médecin n’étant pas disponible, elle a rencontré un remplaçant qui ne connaissait pas bien le processus médical.  Il lui aurait toutefois indiqué que c’était au couple d’intention de faire les démarches.

 


 

Les tests de grossesse

En mars 2020, Mme Blake a craint d'être enceinte de son conjoint (grossesse non souhaitée).  Elle a demandé au couple Johnson/Clark s’ils adopteraient l’enfant si sa grossesse était confirmée.  Ils ont acquiescé.  Le test de grossesse s'est avéré négatif, mais Mme Blake est devenue enceinte quelques semaines plus tard (mai 2020).  Elle a témoigné que cette grossesse était non désirée malgré le fait qu’il a été démontré que ni elle ni M. Auclair ne prenaient de moyens contraceptifs.

 

Voici ce que le couple Blake/Auclair déclare à propos de cette grossesse :

 

"Les intimés ont appris le résultat positif grâce à un test de grossesse effectué à domicile à la mi-mai 2020.  Mme Blake et M. Auclair ont tous deux témoigné avoir eu quelques conversations au sujet de la grossesse.  Ils ont tous deux indiqué qu'ils vivaient une nouvelle relation et que leur situation en matière de logement n'était pas encore réglée.  Mme Blake était en instance de divorce et M. Auclair devait faire face au fait de ne pas pouvoir voir son fils.  Ils ne voulaient pas que l'enfant soit placé en foyer d'accueil, mais ils ont convenu qu'ils n'étaient pas prêts à élever un enfant.   Mme Blake a déclaré qu'elle pensait que les requérants pouvaient offrir une stabilité et qu'il était préférable pour l'enfant d'être placé chez eux."

Paragraphe 70 - Notre traduction (les noms ont été changés)

 

Le couple Johnson/Clark a accepté d’adopter l’enfant même s’il n’était pas lié génétiquement à aucun d'eux.  Mme Blake témoigne que l’entente verbale conclue était qu’elle pourrait voir la petite fille (plus tard nommée Isabelle) autant qu’elle le souhaiterait. Les deux couples résidaient à 3 heures de route les uns des autres et Mme Blake travaillait à temps plein.  Mme Blake a déclaré qu'elle pensait qu'elle serait toujours la mère d'Isabelle et qu'elle ferait partie de sa vie et que M. Johnson et Clark seraient les principaux "gardiens" d'Isabelle.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Qui   Quand   Où   Comment? 

Peut-on disposer d'un enfant ?

 

Est-il légal au Canada de disposer d'un enfant à naître ? Puis-je donner mon enfant à qui je veux ?


 

Ce n'est qu'en juin 2021 que les deux couples ont commencé à réfléchir sur l'aspect légal de leur projet.  Mme Blake a suggéré que M. Johnson ou M. Clark déclare sa paternité sur le certificat de naissance, mais cette solution n’assurait une paternité qu’à un seul des deux conjoints.  Si M. Johnson déclarait sa paternité, il fallait que M. Clark fasse une demande d’adoption, mais cette demande pourrait être refusée compte tenu de son dossier criminel.      

  

À ce stade, il y a lieu de s’interroger sur la raison pour laquelle la solution de déclarer M. Clark comme père sur le certificat de naissance de l’enfant n’a pas été envisagée ou retenue.  Cette solution aurait permis d'écarter les problèmes associés au dossier criminel et au diagnostic de santé mentale de M. Clark et faciliter les démarches d’adoption puisque M. Johnson semblait rencontrer les critères d’évaluation sociaux et médicaux.  Quoi qu'il en soit, les mots utilisés par Mme Blake dans les échanges de messages du groupe créé sur l'application Messenger sont révélateurs de son état mental à cette période de sa vie.  Elle utilisait le terme « tuteur » (guardian) pour qualifier la déclaration de paternité d'un des membres du couple Johnson/Clark sur l'acte de naissance de l'enfant.

 

“One of you could even sign the birth certificate so you would be an automatic guardian.  We all know it’s a lie but we all want this”. »

"L'un d'entre vous pourrait même signer l'acte de naissance pour être automatiquement tuteur.  Nous savons tous que c'est un mensonge, mais nous le voulons tous".

Paragraphe 80 - Notre traduction - Notre soulignement

 

Pour le couple Johnson/Clark ces échanges de messages font foi d'un "contrat de grossesse pour autrui" conclu entre les deux couples, pour lequel  Mme Blake fournissait le matériel génétique et biologique (ovocyte et grossesse) et  M. Auclair fournissait le matériel génétique mâle (son sperme).

 

En réalité, Mme Blake et M. Auclair sont respectivement la mère et le père d'un enfant non désiré, conçu par relation sexuelle sans moyen de contraception et dans le cadre d'une vie de couple établie.