Enfants de la GPA : une filiation maternelle fragmentée


Les techniques de reproduction assistées et la GPA ont fragmenté le lien de filiation de la maternité d’une manière inédite dans l’histoire humaine.  Cette fragmentation s'est et ensuite répercutée dans le droit de la famille de nombreux États. Dans le droit familial québécois, la reconnaissance juridique du lien maternel de filiation ("par le sang")  repose sur la reconnaissance d'un "fait avéré" : la mère est la femme qui accouche (mater semper certa est).  Pour la paternité, cette reconnaissance filiale a été longtemps reconnue selon le principe de "présomption" et attribuée à l'époux, et plus récemment au conjoint ou à l'homme reconnaissant sa paternité sur l'acte de naissance. Le progrès dans le développement des technologies du génome humain permet maintenant d'identifier (ou de confirmer) avec une très grande confiance, le lien de filiation paternelle ("par le sang") grâce aux tests d'ADN.


La filiation maternelle

 

Mais les législateurs ne se sont pas interrogé si la filiation maternelle était "aussi", "seulement", ou "pas du tout" définie par le lien génétique féminin à l'enfant (l'ovocyte), parce qu'il était autrefois technologiquement impossible de dissocier la conception d'un embryon de sa gestation.  Autrement dit, la mère - "la femme qui accouche" - avait obligatoirement fourni son matériel génétique puisque seul son ovocyte pouvait avoir été fécondé. La fragmentation du lien filial maternel était inconcevable physiquement et juridiquement. 

Le processus de maternité divisé en une fraction génétique (la fourniture de l'ovocyte) et une fraction biologique (le processus de gestation) a obligé les législateurs à réagir et à adopter des lois pour encadrer ces nouveaux modes de reproduction artificiels.  Les législateurs ont dû modifier et réinterpréter les codes de la famille de leur société, y compris dans les États où la GPA n'est pas permise, sans en avoir pleinement évalué la portée et les impacts, particulièrement sur les femmes, mais aussi sur les enfants à naître, qui ne bénéficient souvent d'aucune représentation juridique dans les comités examinant ces questions.

La fragmentation de la filiation maternelle pratiquée dans les interventions de reproduction assistée a abouti à la naissance de nombreux enfants sans véritables préoccupations des conséquences juridiques et psychologiques de ces pratiques sur leurs droits et sur leur bien-être.  

 

Au Québec, le législateur a simplement continué d'appliquer la même reconnaissance de la filiation maternelle "par le sang" qu'auparavant, c'est-à-dire que la mère est la femme qui accouche.  Cette simple réponse est devenue incompatible avec la complexité de la maternité fragmentée par le marché de la procréation humaine. Elle évacue entièrement la contribution génétique de la maternité tout en faisant le facteur déterminant... de la paternité.

Mais les "femmes qui accouchent" ne sont pas toutes égales devant la loi.  Si la "femme qui accouche" était "sous contrat", son lien de filiation avec l'enfant peut tout de même être contesté sous les articles 541.20 et  541.21 du code civil québécois (CCQ) dans les 60 jours même si elle a indiquer qu'elle a renoncé à céder l'enfant. 

 

Si la décision de cour est en sa faveur et qu'elle est autorisée à garder son enfant elle devra quand même partager la parentalité avec l'homme qui a fourni son matériel génétique si ce dernier a formé le projet parental.  On peut imaginer le climat délétère d'une co-parentalité résultant d'un tel arrangement. Le législateur donne l'impression que l’on maintient le principe : "la mère est la femme qui accouche", mais dans les faits la loi permet des actes de contournement.