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Mère, qui es-tu ?

On obtient des réponses différentes quand on demande à des citoyens ce qui, selon eux, est le plus susceptible de déterminer véritablement la filiation maternelle entre;

 

  • la grossesse et l'accouchement (le partage d’un environnement biologique et les échanges intra-utérins entre la mère et le foetus, incluant le microchimérisme)

          et

  • l’apport initial du matériel génétique de la femme (ovocytes).

 

Ces enjeux sont révélés dans cet extrait de la thèse de doctorat de K. Lavoieet dévoilent certaines contradictions :

 

"Les interventions cliniques et le vocabulaire technique dans lesquels baignent les femmes concernées pendant tout le processus invitant toutefois les donneuses à ne pas lier leur ovule à une quelconque forme de maternité pour elles-mêmes, mais bien à le rattacher à un fœtus se développant dans l’utérus de la mère." (p. 264)

 

Cette phrase est révélatrice de par son admission que le langage de l'industrie impose une interprétation arbitraire du lien de filiation maternelle. Une interprétation nullement désintéressée, car les cliniques bénéficient de cette banalisation du don de matériel génétique.  Sait-on seulement si cette banalisation est partagée par les enfants issus de ce processus?

 

Elle est également contradictoire parce que lier la filiation maternelle par le sang à la "grossesse" est en opposition au discours du marché de la grossesse pour autrui pour qui les mères porteuses sont réduites à des "porteuses gestationnelles".

 

Mais ce sont véritablement les témoignages 1 des pourvoyeuses d'ovocytes et des mères porteuses qui illustrent le mieux les conceptions profondément contradictoires de la maternité par le sang.

La filiation maternelle selon ...

 

Des pourvoyeuses d'ovocytes

 

SARAH



 

ANAÏS

 

Des mères porteuses

 

CLAUDINE



JACINTHE

 

Une receveuse d'ovocytes



 

ESTELLE
 


Une mère porteuse inséminée (liée génétiquement et biologiquement à l'enfant)

 

ANNE
 



 
 

 

Certaines femmes, comme Anne (voir ci-haut), choisissent de fournir leurs propres ovocytes dans le cadre d'une grossesse pour autrui.  Ce choix peut être guidé par une inquiétude (justifiée) des effets de la médicalisation et des interventions invasives sur leur corps. Le processus est plus simple car certains risques associés à fécondation in vitro sont écartés, quoique l’ovulation peut être stimulée ou induite pour l'insémination intra-utérine.

 

Mais ce choix confronte encore davantage les femmes sur leur relation à la maternité. On peut questionner la définition personnelle d'Anne et conclure que ça ne concerne qu'elle-même,   mais un lien de filiation est justement un lien entre deux ou plusieurs personnes.  La définition de ce lien a des impacts sur les sphères psychologiques, juridiques et médicales de plusieurs vies, car ces relations sont assujetties à des droits et à des responsabilités.  Les autres enfants d'Anne,  frères et soeurs des enfants qu'elle met au monde, peuvent aussi être affectés par ces choix.  On ne peut pas, en tant que société et en tant qu'humaniste ignorer les répercussions de ces interprétations sur les enfants nés de cette pratique. Sur les enfants qu'Anne choisit de garder ou de céder.

 

Pour les mères porteuses qui fournissent leurs propres ovocytes (matériel génétique), le lien de filiation maternelle est...compliqué à définir et exige quelques contorsions mentales. Anne, mère porteuse ayant fourni ses ovocytes définit la filiation maternelle par le concept d'une "intention", d'un "projet".

Le raisonnement d'Anne se complique quand il se heurte à l'exemple d'une grossesse non-planifiée : ici, pas de projet, pas d'intention.  De ce point de vue, on peut comparer cette situation à un avortement.  Les femmes qui interrompent volontairement leur grossesse ne se voient pas et ne se définissent pas nécessairement par le terme "mère", car plusieurs considèrent qu'on devient mère au moment de la naissance. 

Mais ce n'est pas le cas d'Anne puisqu'elle donne naissance à "ses enfants" et aux enfants des autres. Ce n'est donc pas l'accouchement qui fait d'elle une mère.  Sa filiation maternelle repose entièrement sur ses dispositions psychologiques.  Ce qui fait qu'Anne se définit comme mère, et distingue "ses enfants" des enfants "des autres" dépend de sa volonté de se "mettre en mode maman".