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La GPA en Inde avant son interdiction au marché étranger

 

 

Photo credit Jonathan Smit - Pixabay

 

 

Ces récits ont été rapportés par la BBC News dans un article qui s'intitulait "India surrogate mothers talk of pain of giving up baby", publié le 15 août 2016.

Les photos ne représentent pas les protagonistes.

 

Avant les scandales qui ont fait connaître au monde les "fermes" de mères porteuses, l'Inde était reconnue comme la " plaque tournante " de l'industrie de la grossesse pour autrui dans le monde. Les couples infertiles, originaires des quatre coins de la planète, s'y rendaient pour louer un utérus de femme pauvre indienne. La ville de Chennai, dans le sud du pays, s'est imposée comme un centre majeur, avec plus d'une douzaine d'hôpitaux pratiquant la procédure et plus de 150 mères porteuses.

 

La plupart des mères porteuses sont des femmes issues de familles pauvres qui acceptent cette mission pour de l'argent. On pense généralement que la transaction est purement commerciale, mais trois mères porteuses ont raconté à la BBC les liens affectifs qu'elles ont tissés avec les bébés qu'elles ont portés dans leur ventre pendant neuf mois et la douleur qu'elles ont ressentie lorsque le cordon ombilical s'est rompu.

 

S. Sumathi

 

S. Sumathi vivait dans un bidonville du quartier de Vyasarpadi à Chennai.  Elle venait d'une famille très pauvre. Son mari était chauffeur d'auto-rickshaw et gagnait environ 8 000 roupies (120 $; 92 £) par mois. S. travaillait dans une usine fabriquant des sacs en cuir. S. gagnait 6 000 roupies (90 $ ; 69 £) par mois.

 

En 2009 sa famille était en difficulté.  Ils avaient emprunté 100 000 roupies pour payer les frais de scolarité des enfants, et les dettes devaient être remboursées.

 

Un jour, S. a rencontré un homme qui travaillait comme agent pour une clinique de maternité de substitution. Il lui a dit qu'elle pouvait gagner 200 000 roupies en devenant mère porteuse.

 

Est-ce un garçon ou une fille ?

 

S. connaissait deux autres femmes de son quartier qui avaient été mères porteuses.  Elle a accepté.  S. avait quatre enfants. Elle s'est dit qu'elle pouvait aider quelqu'un qui ne pouvait pas en avoir. Elle voulait aider.

 

Elle n'a jamais rencontré les clients commanditaires. Elle était encore sous sédation lorsqu'ils lui ont retiré le bébé. Elle ne l'a jamais vu. 

 

 

 

Elle ne sait pas si le bébé qu'elle a porté est blanc ou noir, s'il est indien ou étranger. Elle ne sait même pas si c'est un garçon ou une fille !Lorsque S. a reprit conscience après l'accouchement, elle a demandé à son mari: « As-tu vu le bébé ? Est-ce un garçon ou une fille ?

 

Il lui répondu qu'il ne l'avait pas vu. S. a demandé à son médecin, mais cette dernière n'a pas répondu à sa question: "Vous êtes une mère porteuse, vous ne devriez pas poser ce genre de questions », lui a-t-elle répondu.

 

Mais S. voulait savoir ce qu'il en était du bébé. Elle voulait savoir où il était.  Est-ce qu'il pourra  étudier?

 

Pendant les trois mois qui ont suivi l'accouchement, elle a passé des nuits blanches, elle avait des maux de tête en pensant au bébé.  Elle a dû prendre des médicaments pour s'appaiser.

 

Chaque année, le 4 novembre, jour de la naissance du bébé, la famille fête son anniversaire. S. fait les mêmes rituels que pour ses autres enfants.

 

Elle jeûne le matin, elle prépare du payasam [riz au lait] qu'elle partage avec sa famille et ses voisins. Elle se rend au temple pour prier pour le bien-être et la longévité du bébé.

 

S. s'est  toujours demandé si le bébé était comme ses autres enfants. Le bébé lui manque vraiment et elle donnerait n'importe quoi pour le voir une fois.

 

S. sait que ce n'est pas son bébé, mais elle pense que si elle l'avait vu, elle ne l'aurait pas abandonné.  Elle espère que le bébé est heureux et qu'il va bien où qu'il se trouve.

 

"Nous en parlons beaucoup, nous l'appelons Paapa ou Kuzanthai (des mots tamouls pour bébé ou enfant) et parfois, ma famille pense qu'il aurait peut-être été plus heureux avec nous.

 

Mais nous sommes une famille pauvre et dans les moments difficiles, nous pensons que le bébé serait peut-être mieux dans une famille plus riche."

 

Anandi Chelappan

 

 

 
Photo credit Aalok Soni- Studio India

 

 

Anandi Chelappan, 34 ans, mère de deux enfants

 

Anandi travaille dans un magasin où elle gagne 150 roupies par jour. Son mari réalise des travaux de peinture chez les particuliers pour un salaire journalier de 500 roupies. Ils ont deux enfants, un garçon de 11 ans et une fille de 10 ans.

 

Il y a sept ans, la famille a été confrontée à la ruine financière. Le mari d'Anandi était souffrant depuis un certain temps.  Ils ont dû emprunté 150 000 roupies à des amis, des parents et des voisins, principalement pour payer le loyer.

 

Anandi a proposé à son mari de gagner 200 000 roupies en devenant mère porteuse. Anandi raconte que son mari s'est montré contrarié à cette idée, pensant qu'elle proposait de faire quelque chose d'immoral. Mais lorsque la procédure lui a été expliquée, il a accepté.

 

Lorsqu'Anandi était "au foyer", (littéralement des fermes de mères porteuses) sa famille n'était autorisée à lui rendre visite qu'une fois par mois, ce qui était très difficile pour elle.

 

 

 

On l'avait prévenue que, quoi qu'il arrive, elle ne pourrait pas rentrer chez elle. Heureusement, rien de fâcheux ne s'est produit qui l'eût obligée à quitter le "foyer".

 

Son fils n'avait que quatre ans à l'époque et il lui demandé si elle allait avoir un bébé. Elle lui a répondu qu'elle était malade et que c'était pour cette raison que son ventre était gonflé et qu'elle avait dû être admise à l'hôpital.

 

Anandi n'a jamais vu le bébé après sa naissance. Elle a dit au médecin qu'elle aimerait le voir, au moins une fois. Mais le médecin lui a refusé sous prétexte qu'elle se sentirait coupable si elle le voyait.

 

Anandi a beaucoup pleuré le premier mois. Son mari devait lui rappeler sans cesse que « ce n'était pas leur bébé, qu'il appartenait à d'autres, qu'ils avaient fait cela pour de l'argent ».

 

Une deuxième GPA

 

Anandi dit comprendre que l'enfant appartient à ses parents et qu'elle n'a fait que "louer son utérus".  Mais comme elle a porté l'enfant pendant neuf mois, elle estime que ce serait une demande légitime de connaître les parents. Elle ne souhaite pas interagir avec le bébé, mais elle voudrait juste "le voir de loin". La famille ne parle plus du bébé à la maison.

 

Avec l'argent gagné, la famille a réussi à rembourser ses dettes. Ils ont loué une maison avec un bail à long terme, mais le bail expire l'année prochaine.  Anandi envisage d'être mère porteuse pour une deuxième fois.

 

Ses enfants sont plus âgés maintenant et elle sait qu'elle ne peux plus les tromper. Elle leur dira donc que "c'est notre enfant".

 

Que se passera-t-il lorsque le bébé naîtra et sera emmené ? Anandi traversera ce pont quand elle y parviendra.

 

 

 
Photo credit  hadynyah - Getty Images 

 

Jothi Lakshmi, 30 ans, mère de trois garçons, 12, 10 et 7 ans

 

Jothi travaille dans une usine et elle gagne 3 500 roupies par mois. Son mari est chauffeur de rickshaw et gagne 5 000 roupies par mois.

En 2008, son mari a quitté la maison après une dispute et il lui était devenu impossible de nourrir ses enfants.

Dans le passé, elle fait don d'un ovule dans une clinique de fertilité. Jothi a décidé de recommencer pour gagner de l'argent, mais le médecin lui a demandé de devenir mère porteuse.

Sa mère et sa belle-mère n'étaient pas convaincues, elles ne lui ont pas parlé pendant sa grossesse.

 

Jothi n'a jamais vu le bébé.  Elle pense que c'était peut-être mieux ainsi, car elle se serait sentie coupable de l'abandonner.

 

Mais Jothi trouvait que c'était difficile, car elle avait senti le bébé bouger dans son ventre. Elle s'était attachée à lui, et n'a pas pu le voir. Il avait tout simplement disparu.

Pendant deux ou trois ans, elle s'est sentie très mal et a perdu beaucoup de poids.

 

Mais maintenant, Jothi ne ressent plus le besoin de le voir. À la maison, personne n'en parle. Elle décourage son mari d'en parler parce que qu'elle sait qu'il appartient à quelqu'un d'autre.

 

Elle a fait la paix avec elle-même.