Le 10 juin dernier, deux hommes lançaient via une publication Facebook « une bouteille à la mer » à toutes les femmes du Québec afin de les inviter à se porter volontaire pour devenir « la perle rare » : leur « porteuse ».
La candidate choisie acceptera l’implantation dans son utérus, d’un (ou deux?) des 9 embryons cryoconservés, conçus par fécondation in vitro à partir des spermatozoïdes fournis par l'un des hommes et les ovocytes de la sœur de l'autre.
S’il en résulte une grossesse (les taux de naissances vivantes sont environ de 25% par tentative), celle-ci sera de facto une “grossesse à risque”. La mère dite “porteuse” leur remettra l’enfant après la naissance, sans bénéfice pour elle-même comme le prévoit la loi canadienne.
Cet appel, à première vue touchant, a suscité un enthousiasme chez les internautes québécois, lesquels ont repartagé la publication afin de soutenir ces hommes dans leurs efforts de recrutement. Ce message s’apparente à ceux des personnes atteintes d’une maladie rare en recherche d'un donneur de cellule souche « compatible ». Une différence majeure pourtant : ni la vie, ni la santé d'aucun de ces hommes n’est compromise. Comme de nombreux bénéficiaires ayant recours à cette pratique, ils ne souffrent pas d’infertilité et n’auront à subir aucune intervention médicale. Paradoxalement, ils seront l'objet de « suivis » par la clinique de fertilité.
La GPA « génétique »
Dans un contrat de grossesse pour autrui (GPA), la plupart des parents prospectifs choisiront une GPA “génétique” plutôt que “traditionnelle”. Concrètement, il s’agira de “dissocier” la mère biologique (la femme qui sera enceinte et accouchera) de liens génétiques avec l'embryon qu'elle porte.
Il s’agira d'utiliser un ovocyte étranger à son corps afin de minimiser les risques de recours juridiques, "faciliter" la remise de l’enfant et l’obtention du consentement de la mère porteuse à ce que sa filiation « soit réputée ne jamais avoir existé » selon les termes de la loi québécoise.
La GPA "génétique" est sélectionnée majoritairement par les parents bénéficiaires pour éviter que la mère ne s’attache à l’enfant, une hypothèse peu soutenue par la recherche. En fait, les mères porteuses expérimenteraient 2.5 fois plus de dépressions post-partum lorsqu’elles font des grossesses pour autrui que lorsqu’elles font des grossesses pour elles-mêmes selon l’étude de 2022 “ A Comparison of American Women's Experiences with Both Gestational Surrogate Pregnancies and Spontaneous Pregnancies “.
Les conséquences de ce choix exposeront deux femmes (la mère porteuse et la pourvoyeuse d'ovocytes) à des interventions invasives et inutiles, susceptibles de mettre leur santé (et quelques fois leur vie) en péril . Ces deux femmes devront s’injecter des doses massives d’hormones synthétiques. Un perturbateur endocrinien induira un dysfonctionnement de leur hypophyse. Une ou plusieurs implantations d’embryons seront nécessaires pour déclencher une grossesse clinique. La pourvoyeuse d'ovocytes sera exposée à des protocoles d'extractions d'ovocytes beaucoup plus invasifs que les femmes qui font des FIV pour elles-mêmes.
Une récente étude épidémiologique canadienne [1] indique que les grossesses par GPA représentent trois fois plus de risques de morbidité maternelle sévère (hémorragie, pré éclampsie, infection) que les grossesses physiologiques. Les effets à long terme sur la santé et la fertilité (de la pourvoyeuse d’ovocytes et de la mère porteuse) sont peu documentés. Les recherches longitudinales de la chercheure Diane Tober suggèrent des pertes d’organes (utérus, trompes de Fallope), de l’endométriose, ou des cancers du sein dans la mi-trentaine [2].
L’encadrement de la GPA, voté par les élus québécois, expose toutes les québécoises à se faire recruter pour devenir « porteuse »: ce recrutement peut se faire par des inconnus via les réseaux mais aussi par un ami, un membre de la famille ou même par son employeur (le législateur a choisi de ne pas l’empêcher). L’encadrement légitime les demandeurs d’inciter les femmes à prendre ces risques médicaux : les parents prospectifs sont déchargés de toute responsabilité envers ces dernières par réglementation.
L’opposition à la GPA est directement liée à la connaissance des faits
Il est inexact de prétendre, comme le fait le Dr Poulin, que le fait de s’opposer à la GPA découle d'une peur irrationnelle ou d’une incompréhension de la pratique. Au contraire, c’est en s’informant des effets sur les femmes et sur les enfants séparés à la naissance que les arguments en faveur de l’abolition universelle de la GPA s’imposent.
Même si le législateur québécois a choisi d’ignorer les règles d’ordre public en reconnaissant les contrats de GPA, les femmes québécoises ont le droit de savoir à quoi elles s’engagent. Le site SOS GPA cumule des années de recherches sur ce sujet et les Québécoises peuvent y trouver un large éventail d’informations.
Cordialement,
SOS-GPA
[1] Velez MP, Ivanova M, Shellenberger J, Pudwell J, Ray JG.
Severe Maternal and Neonatal Morbidity Among Gestational Carriers : A Cohort Study. Ann Intern Med. 2024 Nov;177(11):1482-1488. doi: 10.7326/M24-0417. Epub 2024 Sep 24. Erratum in: Ann Intern Med. 2025 Mar;178(3):456. doi: 10.7326/ANNALS-25-00347. PMID: 39312777.
[2] TOBER, D., "Eggonomics - The Global Market in Human Eggs and the Donors Who Supply Them", Routledge, 2024